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étaient encore réunis à la Reine et à Madame Elisabeth. Elles ne parvinrent pas à Charles de Navarre. M. M…, l’avocat espion, les intercepta et les envoya dans son rapport quotidien, au ministre de la Police, qui les classa dans son dossier, — où on les retrouve[1]. Nouvelle preuve que le gouvernement de la Restauration redoutait plus encore l’ébruitement de « l’affaire Louis XVII, » qu’il ne souhaitait la confusion du prisonnier de Rouen.

Tous ses efforts tendaient à ce qu’il ne fût parlé, ni de la séquestration, ni de la mort du petit captif du Temple, ni de ceux qui en avaient pu être les témoins, ni de quoi que ce fût qui touchât aux circonstances de la captivité. Quand, sous la pression de l’opinion publique, il fallut bien entreprendre une enquête, ce fut avec le désir manifeste qu’elle n’aboutit à rien. Ce fut la question de l’inhumation qu’on résolut d’étudier, de beaucoup la moins dangereuse, car on était sûr que la terre du cimetière Sainte-Marguerite garderait son secret : quelle vraisemblance de retrouver et d’identifier les restes du prédécesseur de Louis XVIII parmi les ossements dont regorgeait ce sol saturé, lieu de sépulture depuis 1652, et qui, à l’époque de la Révolution jusqu’à l’an XII, avait reçu dans sa fosse commune, les cadavres provenant d’un quart de la capitale et de neuf prisons ou hospices ?

À l’apostrophe quasi-comminatoire de Chateaubriand qui, de la tribune de la Chambre des pairs, demandait, — le 9 janvier 1816 : — « Qu’est-il devenu, ce pupille royal laissé sous la tutelle du bourreau, cet orphelin qui pouvait dire comme l’héritier de David : mon père et ma mère m’ont abandonné ? Où est-il, le compagnon des adversités, le frère de l’orpheline du Temple ? Où pourrai-je lui adresser cette interrogation terrible et trop connue : Capet, dors-tu ?… » Le gouvernement

  1. Questions données par une personne qui est placée auprès de Madame et qui, pendant le séjour au Temple, dit qu’il était chargé de la correspondance extérieure : 1o Que se passa-t-il le 21 janvier lorsqu’on entendit tirer le canon ? Que dit alors votre tante et que fit-on pour vous contre l’ordinaire ? — 2o Où ramassiez-vous ma correspondance ? Dans quelle chambre ? — 3o Que m’avez-vous fait le jour de l’an, et, comment ? Dans quelle pièce ? — 4o Quel était votre moyen d’amusement ? Que faisiez-vous avec de l’eau de savon ? — 5o Qu’est-ce que Simon vous avait chargé de me remettre et que vous me donnâtes un jour que je vous coupais les cheveux ? — 6o Qu’avez-vous dit à Notre Mère, parlant de Marchand garçon servant et commençant par : Maman la fenêtre ouverte…, etc. (Archives nationales. F 7 6979.)