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A son tour, Dioclétien porta, dans le domaine politique, un coup mortel au principe aristocratique, par sa réforme de l’administration. Il y eut, sans aucun doute, un lien entre les deux faits. Les progrès du christianisme furent une préparation nécessaire, à la réforme de Dioclétien. Mais ce sont, naturellement, surtout des raisons d’ordre politique qui poussèrent l’Empereur à accomplir cette réforme ; et, parmi ces raisons, la plus importante fut la nécessité de remplacer l’organisation aristocratique de l’Empire, détruite par les crises du IIIe siècle, par une organisation nouvelle qui convînt aux exigences politiques et militaires créées par ces crises mêmes. La rareté du personnel, l’exiguïté des organes politiques et administratifs comparée à l’étendue de l’Empire qu’il fallait gouverner, avaient été parmi les causes de la catastrophe dans laquelle, au cours des cinquante dernières années, l’aristocratie de l’Empire avait succombé. Il fallait créer une administration disposant de forces et d’organes proportionnés non seulement à la grandeur de l’Empire, mais aussi à l’effort toujours plus considérable que devait faire l’Etat pour arrêter le cours menaçant de la dissolution universelle. Et où recruter cette administration, alors que l’aristocratie, déjà insuffisante au IIe siècle, avait disparu presque complètement, sinon en choisissant les fonctionnaires dans toutes les classes et dans toutes les populations ?

La multiplication des charges et des fonctionnaires, en haut et, en bas, fut donc un des principes de la grande réforme de Dioclétien. Pour la première fois dans l’histoire de cet Empire fondé par une aristocratie militaire, Dioclétien sépare l’administration civile de l’administration militaire, et met à la tête de chaque province, deux fonctionnaires avec leurs employés respectifs : le præses, ou gouverneur civil ; le dux, ou gouverneur militaire. Cette réforme avait certainement deux fins : d’une part, rendre plus difficiles, grâce à la division des pouvoirs, les pronunciamenti des légions dans les provinces et les continuelles proclamations de nouveaux empereurs, véritable fléau du IIIe siècle ; d’autre part, remédier aux insuffisances de l’élément militaire, qui, recruté maintenant presque entièrement dans les provinces les moins civilisées, n’avait pas toujours les qualités nécessaires au gouvernement civil d’un empire qui, tout en décadence qu’il fut, n’en était pas moins l’héritier d’une grande culture. Mais en attendant, un autre principe