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et, condamné à mort par Maximien, se révoltait, prenait en Bretagne le titre d’Auguste, s’emparait de l’île et de quelques villes de la côte de Gaule et créait une flotte puissante, à l’abri de laquelle il défiait l’autorité des deux empereurs légitimes. La situation n’était pas moins critique en Orient, où l’Empire continuait à être menacé, comme il l’était depuis Valérien, c’est-à-dire depuis que Rome avait perdu sa principale défense contre le nouvel Empire des Sassanides : l’Arménie. Deux empereurs, l’un en Orient et l’autre en Occident, n’étaient donc pas de trop. En effet, pendant que Maximien parvenait à repousser sur le Rhin la nouvelle invasion germanique, Dioclétien cherchait à rentrer en Arménie, en intriguant plutôt qu’on combattant. Le moment était favorable. La guerre civile avait affaibli l’Empire persan, à tel point que le roi Bahram avait envoyé des ambassadeurs à Dioclétien pour solliciter son amitié ; l’Arménie était fatiguée et mécontente de la domination persane ; l’héritier de la couronne arménienne, Tiridate, vivait à Rome en exil, et bien contre son gré. Dioclétien le poussa et l’aida secrètement à reconquérir le trône ; et Tiridate, profitant de la situation difficile du roi de Perse et du mécontentement de l’Arménie, put, sans résistance, par un coup de main habilement préparé, reprendre possession du royaume de ses pères. L’Arménie se trouvait de nouveau sous l’influence de Rome ; et le roi des Perses, hors d’état de faire la guerre, dut se résigner à reconnaître le fait accompli.

Ce succès améliorait la situation en Orient, bien qu’un nouvel ennemi, — les Sarrasins, venus du désert de Syrie et d’Arabie, — ait fait son apparition sur le territoire romain, le pillant et le dévastant, et que l’Egypte se soit mise à s’agiter pour des raisons qui nous sont inconnues. Mais en Occident, au contraire, les difficultés ne diminuaient pas. Maximien n’avait pu avoir raison de Carausius, qui avait enrôlé une grosse armée de Francs et de Saxons ; de nouveau des mouvements menaçants se produisaient en Germanie où Goths, Vandales, Gépides et Burgondes étaient en guerre. Dans l’Europe orientale, les Sarmates se remuaient aussi ; en Numidie, en Mauritanie, les indigènes recommençaient à s’agiter. Les deux Augustes s’efforçaient de tenir tête à toutes ces difficultés, volant d’un bout à l’autre de l’Empire, conférant à tel ou tel général les pouvoirs civils ou militaires les plus étendus, faisant parfois de nécessité