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cette association des peuples pour le respect du droit et l’établissement de la justice ? Ses arrêts, ses arrêts qui finiront peut-être par régler le sort du monde, doivent-ils laisser la moindre place à la confusion ? Et de nouveau, forts de l’usage ancien, des besoins accrus, de l’intérêt évident qui s’attache au choix d’une langue ayant fait la preuve de sa précision et de sa clarté, nous rappelant que cette langue a servi à formuler les Droits de l’homme, nous pouvions nous attendre à ce que la Société des Nations adoptât le français.


III. — les rivales et les ennemies


Cette attente était d’autant plus vraisemblable, que les langues artificielles, prétendant jadis à la conquête du monde, semblent désormais incapables d’entrer en concurrence. Je ne voudrais pas contrister leurs partisans ; non seulement parce que ce sont gens irritables, — ce ne serait pas une raison suffisante pour éviter de les irriter, — mais parce qu’ils poursuivent, avec une foi touchante, un idéal généreux. Seulement, je suis bien forcé de constater la faillite de leur entreprise. À toutes les raisons théoriques qui, avant la guerre, faisaient prévoir la vanité de leur longue patience et de leurs efforts, s’est ajoutée l’expérience. On a entendu résonner beaucoup d’idiomes sur les champs de bataille ; on n’a guère entendu, que je sache, ces vocabulaires faits exprès pour les usages internationaux. Si jamais occasion se présenta, où les résultats merveilleux qu’on nous promettait devaient éclater au grand jour, ce fut dans cette immense mêlée des peuples : rien n’est venu, nous attendons encore. Elles se sont perdues dans la bagarre, ces langues universelles qui n’arrivaient pas à se faire parler par un million d’hommes. Leur cause semble jugée. Certes, leurs adeptes reprendront leur propagande, ils la reprennent déjà ; peut-être même trouveront-ils bientôt une langue nouvelle, encore plus logique, encore plus admirable que tous les volapuks du monde, pourtant si admirables déjà, et si logiques. On peut regretter qu’une bonne volonté si obstinée ne se mette pas, en France, au service du français, à un moment où chacun doit lutter pour le bon renom, pour l’existence même de la patrie, quel appoint précieux fourniraient tant de zèle, tant d’amour désintéressé d’une noble cause ! Mais on ne doit pas craindre,