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qui a fini, dans les premières années du XVIIIe siècle, par s’élever au rang de langue diplomatique, a été sans aucun doute un événement très important dans la vie nationale et internationale : mais le Roi ne semble à aucun moment avoir senti le prix qu’avaient des avantages de cet ordre. Rien dans sa politique n’a été calculé, aucune mesure n’a été prise, aucune intrigue n’a été menée en vue d’obtenir ce privilège : au point qu’à tout prendre, les victimes et les ennemis de la monarchie de droit divin, les réfugiés et les pamphlétaires, ont peut-être plus contribué au résultat que ses ministres, ses agents et ses pensionnés… » Ainsi, point de contrainte.

Quand tous les gens cultivés de l’Europe parlèrent notre langue, les diplomates l’utilisèrent naturellement dans leurs conférences ; et puis ils l’adoptèrent, naturellement aussi, pour leurs traités : d’autant plus volontiers qu’ils y trouvaient leur compte. Comparé avec les langues qui avaient eu jusqu’alors la prééminence, le français n’apparaissait pas sans défauts : mais il était plus net, plus clair, et, suivant un mot fameux, plus probe. Devant l’usage désormais établi, devant ces avantages désormais reconnus, le latin peu à peu céda la place. En 1678, lorsque furent conclus les traités de Nimègue, il était déjà sérieusement menacé : « on s’aperçut à Nimègue, écrit un contemporain, du progrès que la langue française avait fait dans les pays étrangers, car il n’y avait presque point de maisons d’ambassadeurs où elle ne fût presque aussi commune que leur langue naturelle. » Mais le premier traité rédigé en français fut celui de Rastadt, à cette réserve près, stipulée expressément par les Impériaux, que le précédent ne pourrait être invoqué dans les négociations ultérieures. Or la réserve ne servit de rien : qui sait ? elle contribua peut-être au succès du français, qui se contentait du fait et ne réclamait pas le droit, comme le latin. Elle persista dans les différentes conventions qui furent passées de 1714 à 1763 : en 1763, au traité d’Hubertsbourg, elle disparut. L’habitude était prise ; le latin était vaincu, le français devenait décidément la langue diplomatique officielle.

Ses débuts dans ce rôle datent donc de 1714 ; ils coïncident avec la fin du règne de Louis XIV et la diminution de notre pouvoir ; tant il est vrai qu’ils ne signifient pas contrainte de notre part, et servitude de la part des autres : il fut choisi et