Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/537

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
535
comment finit la guerre.

d’après une source autorisée, l’abdication du Kaiser « permettrait a Wilson d’agir plus facilement en faveur de ses plans de paix sur le Sénat américain, où les idées préconisant un écrasement complet de l’Allemagne ont gagné beaucoup de terrain ces derniers temps. »

Mais le Haut-Commandement ne se résigne ni à la disparition du Kaiser, ni au désarmement de l’Allemagne, qui serait sa propre disparition. Aussi le 24 au soir, Hindenburg signe un télégramme à l’armée qui expose la situation à son point de vue et affirme : « La réponse de Wilson exige la capitulation militaire. Aussi est-elle inacceptable pour nous, soldats… C’est une invitation à continuer la résistance jusqu’à l’extrême limite de nos forces… » Seule, la première proposition était exacte ; la seconde et la conclusion dépendaient de la décision du gouvernement. Ludendorff affirme qu’il contresigna ce télégramme à l’armée avec la conviction que le gouvernement avait changé d’avis et s’était décidé à la résistance. Mais le Haut Commandement, mieux éclairé, retira son ordre du jour après qu’il eut cependant été communiqué à l’une des armées jusqu’à l’échelon du bataillon ; en tout cas, il semblait qu’il y eût là une manifestation contre la paix voulue par le gouvernement, et Ludendorff, considéré comme responsable, dut envoyer le 26 au kaiser la lettre de démission qu’il avait préparée dès la veille.

Mais les événements se précipitent. Après la Bulgarie et la Turquie, l’Autriche s’effondre à son tour. Le départ de Ludendorff a permis au gouvernement de consulter les généraux von Gallwitz et von Mudra : ils ont encore un peu d’espoir de continuer la lutte, mais l’abandonnent en apprenant la capitulation de l’Autriche. Le général Gröner expose le 5 novembre aux secrétaires d’État combien la situation a empiré sans espoir d’amélioration : « La résistance que l’armée peut opposer à l’assaut de nos ennemis extérieurs ne peut être que de courte durée. » La démoralisation augmente. Le repli des armées doit se continuer jusqu’à la frontière ; il est impossible de préciser combien de temps on pourra y tenir : Tout dépend de ce fait : l’ennemi utilisera-t-il ses possibilités d’attaque ?… Nous gagnerons certainement le temps nécessaire aux négociations. » Et il demande de patienter quelques jours encore.

Le Kaiser, qui ne songe nullement à abdiquer pour sauver