Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/526

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
524
revue des deux mondes.

L’offensive d’avril sur la Lys aurait dû commencer à lui montrer la difficulté d’obtenir de grands résultats sans le bénéfice de la surprise et la nécessité de varier ses procédés d’attaque. Le 27 mai lui procure par la surprise des avantages qui dépassent toutes ses espérances ; il en profite aveuglément et s’avance jusqu’à la Marne avant d’avoir fait tomber les deux piliers qui s’opposent à l’élargissement de sa percée : des troupes très manœuvrières auraient peut-être pu profiter de cette témérité et déborder les résistances latérales, mais il ne les a plus. En outre, pendant la troisième phase de cette action, l’attaque sur Compiègne est bien vite arrêtée, et la contre-attaque du 11 juin aurait dû lui ouvrir les yeux sur le danger de présenter à son ennemi des flancs qui restent forcément très vulnérables.

Le 15 juillet, il ne varie en rien ses procédés d’attaque ; il n’a pas prévu la défense élastique que l’armée Gouraud lui oppose et qui le déconcerte complètement. Son passage de la Marne représente une manœuvre très hardie, qu’il exécute adroitement ; mais, faute d’avoir prévu la résistance à l’est de Reims, il doit s’arrêter avant l’encerclement de la ville. Dès le 17, l’échec est avoué, enregistré ; l’offensive est arrêtée.

Alors s’élance l’offensive française du 18 juillet, et le voici ramené de la Marne à la Vesle, avec des pertes qu’il considère comme irréparables, puisqu’il se résigne à dissoudre dix divisions. Il doit renoncer à l’attaque qu’il préparait dans les Flandres et dès lors abdiquer l’initiative des opérations. Le maréchal Foch s’en saisit au même instant et le 24 juillet, avant même que l’attaque du 18 ait obtenu tous ses résultats, il donne ses ordres pour quatre autres attaques.

Elles partent les 8 et 20 août, les 12 et 26 septembre, et l’offensive se poursuit ensuite sur un rythme de plus en plus accéléré, jusqu’à l’assaut général et concentrique qui amène le résultat final.

Ludendorff affirme dans ses Souvenirs qu’il comprit le 8 août seulement la nécessité de terminer la guerre, sentant que le moral des armées allemandes avait déplorablement baissé et que la pénurie de leurs effectifs lui interdisait d’envisager des opérations de grande envergure. « Le 8 août est le jour de deuil de l’armée allemande dans l’histoire de cette guerre… Le 20 août était aussi un jour de deuil ! » Il offrit sa démission au Kaiser, qui la refusa.