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Nord. Ce projet, qui vient d’être soumis à la Mission économique française, mérite un examen attentif. Si nous sommes obligés de nous adresser, pour partie, à l’industrie allemande, nous pouvons avoir intérêt à ne pas disperser les commandes et à traiter avec des entreprises générales ou même avec le Reich. M. Millerand a dit et répété qu’il n’excluait pas la possibilité d’une collaboration économique, et il serait absurde de penser que la France et l’Allemagne doivent, dans la paix rétablie, rester éternellement des à dos. De même, si, en paiement de ce qu’elle nous doit, l’Allemagne nous offre des matériaux, de la main-d’œuvre, voire des techniciens, nous n’aurons garde de lui opposer une fin de non-recevoir. Il se peut qu’à des conditions déterminées et avec certaines garanties de surveillance, un tel concours, soigneusement limité et contrôlé, ne soit pas à repousser.

Mais cette coopération, si elle se produit, ne devra, en tout cas, intervenir que comme mode de paiement ; ce sera, pour l’Allemagne, un moyen de s’acquitter de certaines parties de sa dette; et il faudra, d’abord, que cette dette soit mise au-dessus de toute contestation. Même pour la période où l’Allemagne était autorisée à faire des propositions, le mémoire du 16 juin prenait soin de spécifier que « les catégories de dommages et les clauses de réparations resteraient acceptées par les autorités allemandes comme étant hors de toute discussion. » Et il ajoutait : « Les Puissances alliées et associées ne prendront en considération aucun argument, aucune tentative qui auraient pour objet de les modifier en quoi que ce soit. » Puisqu’on veut aller à Spa, c’est, du moins, à l’abri de ce rempart qu’il y faudra conférer ; et si, lorsque la dette aura été fixée suivant les prescriptions du traité et reconnue par l’Allemagne, on juge à propos d’adopter, pour en hâter la liquidation, un système de prestations particulières, qu’on épargne, de toutes façons, aux provinces libérées de nouvelles invasions prétendues pacifiques, qui ramèneraient, sous des masques d’ingénieurs et d’architectes, dans les malheureuses villes détruites, les officiers incendiaires.


RAYMOND POINCARE.

Le Directeur-Gérant : RENE DOUMIC.