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de terreur, avait traversé la troupe des assassins, emportant dans ses bras un enfant en bas âge, le fils de Petitval. Rien n’avait été volé dans le château.

Les journaux mentionnèrent très sommairement cette tuerie, et l’on n’en connaîtrait pas à ce sujet davantage, si l’on ne possédait le procès-verbal de la séance secrète du Directoire, où l’on discuta des causes et des circonstances de l’attentat. Ah ! ils n’ont point d’illusions flatteuses sur certains de leurs anciens collègues de la Convention, les cinq directeurs ! Ils s’accordent à incriminer de l’assassinat de Vitry les représentants qui, après avoir reçu l’argent de Petitval, l’ont sciemment leurré ; le banquier menaçait de dénoncer à l’opinion publique l’escroquerie éhontée dont il était la dupe : Rewbel déclare nettement : « On a tué Petitval, non seulement pour se soustraire au paiement des dettes contractées envers lui, mais encore pour s’emparer des documents qu’il possédait et pour empêcher ses révélations. » D’ailleurs, des policiers habiles, Dassonville et Asvèdo, savaient, depuis quelque temps, que « des hommes puissants avaient décidé la mort du banquier ; « les directeurs ignorent si peu les raisons de cette hécatombe que Barras, donnant quelques détails sur le crime, dit à ses collègues : « La femme de chambre qui soigna l’enfant que vous savez a eu la tête coupée. » Ils décidèrent, d’ailleurs, de laisser la justice « suivre son cours, » — qui s’arrêta net avant les premières enquêtes ; si bien qu’on n’a rien retrouvé des pièces de l’instruction menée par le juge de paix, et qu’on en est encore à connaître le nombre exact et les noms des victimes !

Quant à l’enfant que vous savez, il avait quitté Vitry plusieurs mois peut-être avant le massacre ; rien, dans le dialogue des directeurs, n’indique qu’on s’inquiète ni de lui ni de l’endroit où il se trouve : c’est évidemment, à leur avis, un personnage de peu d’importance, et cette indifférence démontre encore qu’aucun des gouvernants ne croit à l’individualité royale de l’hôte hébergé durant quelque temps par l’infortuné châtelain de Vitry.


On a dû, pour mentionner ce tragique intermède à la place assignée par l’ordre chronologique, s’éloigner d’Angrie, où la vicomtesse de Turpin élève l’enfant que lui ont confié les chefs de l’armée royale. On doit admirer l’indulgente bonté de la