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Au moment où soudain toute la bataille de France sembla se condenser devant Verdun, Henry Bordeaux venait à la rescousse de l’officier d’information que l’événement avait trouvé depuis plusieurs mois affecté à l’armée de Verdun, mais que, de son aveu, cette énorme bataille risquait de déborder.

Le drame militaire avait de quoi émouvoir au fond de l’âme le patriote. Le drame moral ne surprenait pas l’homme de pensée : « Il y a dans la guerre, avait-il écrit en 1912, une mystérieuse puissance d’amélioration. » À courir le champ de bataille, il allait constater que cette amélioration pouvait aller jusqu’à l’exaltation d’une incomparable vertu. Les officiers d’information envoyés à Verdun devaient, chaque soir, expédier une dépêche de sept à huit pages sur l’exploit de la veille ; il eût bien fallu, chaque jour, cent pages pour être juste. Ils firent de leur mieux, Henry Bordeaux, Louis Madelin, François de Tessan, plus tard Louis Gillet et Fernand de Brinon, pour que, du premier au dernier jour de la bataille, le Pays, puis l’Étranger comprissent la grandeur morale de ce formidable drame.

Le métier n’était pas sans risques ; des salles de la mairie de Souilly, quartier général de l’armée, on eût pu, à la rigueur, suivre la marche de la bataille ; pour en vivre la vie, il fallait aller la partager. Un soir, Henry Bordeaux me rejoignit dans l’ivresse d’une magnifique « visite. » Parti pour « s’informer » à Bevaux, — quartier général du 21e corps, — il avait vu le général Maistre en quête d’un officier à envoyer au fort de Vaux, déjà sous une voûte d’obus. Il s’était offert et fait agréer. Mes lecteurs connaissent tous, pour avoir lu ici même ces pages passionnantes, les Derniers jours du fort de Vaux et, donc, la petite excursion que « l’informateur » s’était imposée. On revenait de ce genre d’excursions avec une admiration parfaitement éclairée, que, pour des écrivains de carrière, il n’était pas malaisé de faire partager au Pays. Avec quelle fierté on rédigeait la dépêche qui, toujours, se résumait par la formule : « On tient ! »

Le 29 avril, le capitaine Henry Bordeaux avait reçu une mission plus large. Par un ordre du général en chef, il était chargé de réunir, en vue d’une notice à écrire, les éléments de cette dramatique histoire. Est-il encore indiscret de dire que de cette mission est sortie ce remarquable opuscule intitulé : Une