Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/323

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas ferme et égal. Sans doute ne s’astreignait-il pas à la stricte formule qui avait fait la fortune de la Peur de vivre après celle du Pays natal. Il est romancier et, avant tout, aime son art. Mais dans toutes ses œuvres courait cet esprit assainissant qui les apparente toutes. Les Roquevillard, publiés en 1906, donnaient d’ailleurs une expression plus nette encore à ce que, récemment, un commentateur de l’œuvre entière, le docteur Garrère, appelait une « doctrine de vie. » En aucun volume n’avait été formulée d’une façon si heureuse la force vivifiante de la Tradition en face de l’action dissolvante de l’Individualisme. Le cadre du drame, — par ailleurs bien bâti et singulièrement émouvant, — permettait en outre à l’écrivain d’affirmer derechef la vertu de sa province, parant d’une noblesse de plus la famille qui revivait en ces pages gravement savoureuses. Lorque de la colline de Saint-Cassin, l’avocat Roquevillard fait appel à ceux de sa race, on croit déjà entendre ce Debout, les morts ! qui devait, un jour, caractériser la lutte acharnée contre l’ennemi de la Nation. C’était encore, à cette heure, l’ennemi intérieur qu’il fallait que les morts arrêtassent. L’écrivain, poussant ce cri de ralliement, n’était plus un simple soldat, mais un des chefs de la féconde croisade.

Concevait-il comme « une croisade » l’entreprise à laquelle il participait ? Je ne le pense point. Il en est des batailles de la pensée comme de celles de la guerre : chacun travaille de son mieux, et c’est souvent, la victoire remportée, que se découvre le plan suivant lequel la bataille s’est gagnée. Tout simplement guidé à travers ses fables par une pensée sincère et forte, il a, sans se croire voué à une mission, écrit de beaux romans. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’il n’est guère de moment depuis sa rentrée à Paris, où il n’ait eu le souci de sans cesse élargir son champ d’observation et d’étude, — et par conséquent d’action. On l’a sacré le » romancier de la famille : » Le Roman de la famille française, c’est ainsi qu’un des commentateurs de l’œuvre, M. Joseph Ferchat, qualifiait, en 1912, l’œuvre entière, — la Maison n’ayant cependant pas encore paru. Il est de fait que la Neige sur les pas, les Yeux qui s’ouvrent, la Robe de laine, drames pleins d’une sensibilité aiguë, se rattachent moins étroitement que les Roquevillard, la Croisée des chemins et plus tard la Maison au cycle de la famille. Mais ces romans s’y rattachent néanmoins, plus ou moins consciem-