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dont l’ampleur est à la taille des libérateurs de l’Alsace et de la Lorraine. C’est d’abord une force prête à intervenir à tout moment pour assurer l’exécution au jour le jour du traité de Versailles : en présence d’un adversaire qui ne fait honneur à sa signature que contraint et forcé, un moyen de coercition permanent est indispensable. Et voilà pour quinze ans au moins un corps d’occupation ou une armée de couverture à maintenir en état d’intervenir du jour au lendemain ; il lui faut un cadre entraîné, rompu à toutes les exigences du combat moderne, attentif aux modifications que peut introduire quelque nouvelle invention. Sentinelle avancée qui monte la garde au Rhin, son rôle est de voir loin, de juger vite et d’agir fort ; les officiers auront à y maintenir les traditions d’entraînement physique, intellectuel et moral qui assureront un bon emploi immédiat de leur troupe. C’est le domaine des tacticiens.

Mais le pays ne s’en tient pas là. Quelque puissant que soit son corps de couverture, il n’en attend ni la satisfaction complète de toutes ses légitimes exigences ni sa sécurité personnelle contre une éventuelle agression. Derrière son corps de couverture, pour l’appuyer ou le soutenir, il veut préparer la levée en masse. Dans un monde où les ondes propagées par la grande secousse sont encore en pleine puissance, où les idées de nationalité et les passions sociales, les intérêts économiques et les intérêts financiers se heurtent partout en des conflits dont la solution risquera pendant de longues années encore d’ouvrir une nouvelle période d’hostilité, les nations doivent se maintenir en situation de sauvegarder leur indépendance. Le service obligatoire ne saurait donc être supprimé.

Mais si le service obligatoire doit être maintenu, sa durée en revanche peut être progressivement restreinte, et pour obtenir sans diminution de puissance cet allégement de l’effort national, le pays compte encore sur ses officiers. Refonte de nos méthodes d’instruction, dressage nouveau de nos instructeurs, répartition différente de la besogne entre les deux instruments d’instruction, l’école et le corps de troupe, en un mot orientation accusée de l’officier vers le rôle d’instructeur.

Orientation nouvelle, dira-t-on ? Non pas, mais simplement la forme actuelle du rôle social de l’officier, ce rôle si heureusement défini il y a déjà vingt-neuf ans dans la Revue par le général Lyautey, rôle dont l’importance ne fait que