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navires, son commerce, ses colonies, ses placements étrangers, une grande partie de son charbon et de son fer et des industries connexes ; il place sous contrôle étranger ses transports intérieurs et ses tarifs douaniers. C’est là, selon l’auteur « une politique contraire à la religion et à la morale, détestable, d’ailleurs inapplicable, en opposition avec la nature humaine et l’esprit moderne. Si on y persiste, elle amènera une régression de la vie civilisée en Europe. » Les remèdes indiqués du « crime monstrueux qui s’est consommé à Versailles » consistent en une révision complète du traité au bénéfice de l’Allemagne, en l’émission immédiate d’un emprunt international, dont le produit irait en majeure partie aux Allemands, en la constitution d’une Europe centrale s’étendant de Hambourg à Constantinople et même plus loin sous l’égide d’une union douanière, embrassant l’Allemagne, la Pologne, l’Autriche, les nouveaux États tchéco-slovaque et yougo-slave, la Turquie. M. Keynes nous invite à encourager et à aider l’Allemagne « à reprendre en Europe son, rôle de créateur et d’organisateur de richesse pour ses voisins du Sud et de l’Est, de façon à hâter le jour où ses agents seront en mesure de faire jouer le facteur économique dans le moindre village de la Russie. »

En d’autres termes, les Alliés doivent travailler a former un bloc de 300 millions d’hommes qui, de Hambourg à Vladivostock, en passant par Constantinople, Tashkent, Irkoutsk, Arkhangel et Dantzig, soit contrôlé par Berlin. Comme le disait l’autre jour à New-York un spirituel Américain, si l’on suivait les idées de l’auteur, un universitaire allemand pourrait bientôt prendre la plume et écrire la suite du livré célèbre de Treitschke, expliquant comment l’Allemagne du XXe siècle aurait su, de sa défaite militaire, faire une victoire économique.


III

M. Keynes veut nous démontrer à la fois que les revendications des Alliés dépassent de beaucoup la réalité du mal qui leur a été fait et que les Allemands sont hors d’état d’effectuer les réparations qui ont été mises à leur charge.

Il conteste tout d’abord l’évaluation des dommages, dressée par le député français, M. Louis Dubois, dans son rapport si étudié sur les clauses financières du traité de Versailles. Il se