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Tel est l’esprit de réalité qu’entretiendront les études historiques de la guerre poursuivies avec l’unique souci de la vérité. Il doit imprégner nos officiers et les maintenir dans la notion exacte du combat moderne, les guider dans le choix des procédés d’emploi de la troupe au combat aussi bien que dans le choix des procédés d’instruction destinés à préparer cette troupe au combat ; enfin il provoquera et orientera la souplesse d’esprit dont nous avons vu les bienfaisants résultats en présence des surprises de la guerre.

On voit donc que, dans les grandes lignes tout au moins, le mode de formation de nos officiers comme leur recrutement n’appellent pas de modifications profondes. Mais l’idéal qui a porté si haut la valeur de ce corps d’officiers va-t-il aussi rester le même ?

Ceux qui viennent de vaincre ont rêvé pendant quarante-trois ans de rendre à la France l’Alsace et la Lorraine ; c’est fait. La réalisation du rêve aura-t-elle étouffé la petite flamme, et la vocation d’officier devient-elle une simple profession ?

Au lendemain de l’armistice, des esprits inquiets se sont posé la question ; la résolvant par l’affirmative, ils commençaient déjà à parler des droits avant de parler des devoirs, à formuler des revendications d’ailleurs raisonnables, et pour aboutir, à faire appel à la force légale du syndicat. Voilà la déviation inévitable, si la vocation disparaît.

Heureusement c’était conclure trop vite. Dans toutes les questions morales, en effet, la solution est sous les yeux des officiers et, pour savoir si leur vocation a toujours sa raison d’être, il suffit bien simplement de regarder la devise inscrite sur le drapeau : « Honneur et Patrie. »

Devise très haute et, plus encore, profonde, dont notre armée vit depuis cent vingt ans. Ses deux termes réunissent en une synthèse achevée la valeur propre de l’individu et sa valeur sociale ; sans doute suivant l’époque, suivant les événements, l’un des termes peut prendre la prépondérance, mais l’autre terme intervient à la manière d’un contre-poids pour empêcher cette prépondérance de devenir dangereusement exclusive.

En des pages incomparables, Alfred de Vigny a attaché la