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échec. Les bureaux de presse se hâtent d’exploiter les innombrables témoignages que l’adversaire donne de son découragement. Ils finissent par convaincre l’Allemagne qu’elle vient de remporter « une grande victoire défensive. » Ils arrivent ainsi à effacer la première et désastreuse impression causée par les combats de l’Aisne et de Champagne ; mais une « victoire défensive » n’est pas ce que le peuple attend : des succès de ce genre ne rapprochent pas la date de la paix. »

Mais le gouvernement français fermait les yeux sur les renseignements qui contredisaient son opinion préconçue, qu’ils vinssent de l’État-major français ou anglais, du gouvernement britannique, de nos agents à l’étranger, ou des journaux allemands. L’opinion, laissée sans renseignements et sans direction, était de plus en plus travaillée par les agents de l’ennemi : « La trahison opéra en pleine liberté…, » dit M. Galli dans un rapport à la commission de l’armée de la Chambre. Des couloirs de la Chambre, des antichambres ministérielles s’échappèrent les plus tristes rumeurs de découragement. On réclamait des responsables, et, dès le 27, à cette même commission, le ministre de la Guerre était sommé de frapper le général Mangin ; autour de son nom s’était créée toute une légende mensongère dont le jugement de ses pairs, devançant les événements, devait faire justice quelques mois plus tard. Cédant à une pression qu’il croyait alors irrésistible, le général en chef demanda verbalement au ministre que le général Mangin fût remplacé dans son commandement. Le conseil des ministres, saisi sur-le-champ par le ministre de la Guerre avant tout rapport ou demande écrite, adopta cette proposition le 29, et c’est en vain que M. Painlevé acquit le soir même la certitude qu’aucun des reproches faits au général commandant la 6e armée ne pouvait se justifier. Une correspondance ultérieure entre le général en chef et le ministre de la Guerre établit la situation du général Mangin.

L’autorité du général en chef n’avait cessé de diminuer depuis l’arrivée de M. Painlevé au ministère de la Guerre. Entamée par les conférences des ministres avec les commandants de groupes d’armées, plus fortement atteinte le 6 avril par la conférence de Compiègne dont les échos se répercutaient, elle avait été frappée à mort par la façon dont étaient comprises les fonctions de chef d’État-major général confiées