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tion. Le général Nivelle déclara alors : « Puisque je ne suis d’accord ni avec le gouvernement, ni avec mes subordonnés, il ne me reste plus qu’à remettre ma démission entre les mains du Président de la République. » Tous alors se récrièrent sur l’impossibilité de changer le commandant en chef à la veille d’une attaque dont la nécessité était admise par tous, et le général Nivelle, après quelques hésitations, n’envoya pas sa lettre de démission. Somme toute, le conseil de guerre se sépara sans rien décider, sinon la nécessité de l’offensive.

Devant la commission d’enquête sur les opérations de l’Aisne qui fut convoquée en juillet 1917, le général Foch s’exprime ainsi : « Certes, Nivelle a agi inconsidérément en acceptant d’aller à la conférence de Compiègne ; mais j’en reviens au fait que le gouvernement, après avoir entendu les avis émis dans cette conférence, a invité le général Nivelle à poursuivre les opérations. » — Le général Pétain, après avoir rappelé qu’il avait donné au ministre de la Guerre, puis au président du conseil, un avis défavorable à l’offensive, conclut : « Le gouvernement, parfaitement éclairé, a passé outre. C’est donc à lui qu’incombe la principale responsabilité. »

Le rapport de la commission, qui se composait des généraux Brugère, Foch et Gouraud, est sévère pour la conférence : « Le doute entré dans l’esprit des principaux exécutants n’aura pas été dissipé par la réunion du 6 avril. Ils n’auront plus cette confiance réciproque et cette foi dans le succès qui donnent au chef l’énergie nécessaire pour dominer les événements. » Le rapport constate qu’aucune intervention ne vint contrarier l’action du général en chef ni atténuer ses instructions, que la majorité des personnages réunis à Compiègne considérait cependant comme irréalisables. Liberté était laissée au général Nivelle, mais sous réserve, exprimée du reste sans clarté, que si après vingt-quatre heures de combat, les résultats étaient indécis et les pertes trop lourdes, l’opération serait interrompue. Cependant, le général Nivelle, tout en affirmant sa foi en une percée rapide, avait déclaré qu’il ne voulait pas livrer une demi-bataille, et qu’il ignorait la forme que prendrait la lutte une fois engagée. Mais les deux officiers que le général Nivelle avait amenés avec lui pour rédiger le compte rendu avaient été congédiés et aucun procès-verbal n’a été rédigé.

Tout reste donc confus dans ce « conseil de guerre extraor-