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comment finit la guerre.

le front qu’il avait choisi, quand il jugerait ses préparatifs terminés, et au jour par lui désigné. » Il avait donc toute latitude.

Tout paraissait terminé et le général Nivelle laissé enfin à la préparation de l’offensive imminente, quand le général Messimy, député et ancien ministre de la Guerre, commandant une des brigades qui allaient s’engager, se présenta chez M. Ribot, président du conseil, avec une note qui traduisait fidèlement, disait-il, « l’opinion des chefs les plus réputés de l’armée française et notamment celle du général même qui devait diriger la prochaine offensive, le général Micheler. » Cette note demandait l’envoi immédiat de huit divisions françaises et anglaises dans le Trentin et affirmait que l’offensive ne pouvait obtenir que des résultats limités et seulement au prix de pertes importantes : il fallait donner immédiatement l’ordre d’attendre les beaux jours pour entamer les opérations offensives en France et, comme conclusion, entendre les commandants de groupes d’armées, soit ensemble, soit séparément, en commençant par le général Micheler.

Cette note ne révélait aucun fait nouveau, et il était fatal qu’à la longue les irrésolutions du gouvernement se transmissent aux États-majors subordonnés. Mais elle suffit à déterminer la réunion à Compiègne, le 6 avril, d’un conseil de guerre extraordinaire : le Président de la République, le président du Conseil et les trois ministres de la Défense nationale, le général en chef et les généraux commandants de groupes d’armées, Micheler, Pétain, d’Espérey, de Castelnau, étaient présents. Envoyé brusquement la veille en Italie, le général Foch, qui avait rang de commandant de groupe d’armées, n’y assistait pas. Le ministre de la guerre demanda si la situation nouvelle ne modifiait pas les conditions de l’offensive. Le général Nivelle exposa la nécessité d’une prompte offensive, menée à fond ; les commandants de groupes d’armées furent tous de son avis sur ce point ; le général Micheler, en contradiction formelle avec la note qui avait motivé le conseil de guerre, débuta en disant : « Il faut attaquer le plus vite possible dès que nous serons prêts et que le temps sera favorable. » Mais tous émettaient, à divers degrés, des doutes sur la rupture immédiate. Le général Pétain fut particulièrement formel : on avait des forces suffisantes pour la percée, non pour l’exploita-