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sans doute, plus aisément à leurs dispositions premières. Je n’ignore pas le proverbe italien : passato il pericolo, gabbato il santo. Mais il suffit de jeter les yeux au-delà du Rhin pour voir que le péril n’est pas passé.

Et puis, à la réflexion, nos alliés eux-mêmes nous trouveront peut-être des excuses pour n’avoir pas, d’enthousiasme, au lendemain de l’armistice, voté huit milliards d’impôts. Le rapporteur général a invoqué des circonstances atténuantes qui ne peuvent guère nous être refusées : « Victime d’une agression injuste, envahie, exténuée par quatre ans et demi d’une résistance héroïque, épuisée par la mort d’une innombrable jeunesse, dévastée dans ses plus riches régions, à la fin cependant victorieuse, la France a cru longtemps que, qui avait voulu la guerre, l’avait conduite en barbare et avait été vaincu, la payerait. Le traité de Versailles la détrompa. »

Or, si le traité de Versailles a apporté à la France cette déception, si, à l’inverse du traité de Francfort, il n’a pas mis à la charge du vaincu tous les frais de la guerre, c’est que nos alliés en ont ainsi décidé. Nous devons donc, par leur volonté, supporter seuls la lourde dette que nous avons contractée, depuis 1914, pour mobiliser notre armée, pour fabriquer nos canons et nos munitions, pour démobiliser et enfin pour fournir au pays les vivres et les matières premières dont les hostilités et l’invasion l’avaient privé. Les arrérages de ces emprunts de guerre s’élèvent aujourd’hui à 9 380 millions. C’est dire que le total en dépasse le chiffre des impôts demandés aux Chambres et que, par conséquent, ces impôts sont intégralement destinés à gager une dette dont la justice aurait voulu que nous ne fussions pas grevés. On reconnaît, en général, que le Français a l’intelligence vive. Il a cependant été un peu lent à comprendre ce résultat inattendu de la victoire. S’il en a pris bravement son parti aujourd’hui, c’est parce que, le traité une fois signé, il s’est dit que tout le monde devait être appelé à l’exécuter de bonne foi.

Mais, s’il ne réclame pas ce que le traité lui refuse, il entend bien que personne ne lui contestera ce que le traité lui accorde. Dans le budget proposé, aucune des dépenses qui doivent rester à la charge de l’Allemagne n’a pour contre-partie un impôt ; le gouvernement et la commission n’ont voulu recourir à l’impôt que pour solder les frais dont l’Allemagne n’est pas déclarée débitrice et qui incombent définitivement à la France. Dommages causés aux habitants des régions envahies, pensions des réformés et des veuves de guerre, ne sont, si les signatures données à Versailles ne sont pas