Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Saumur ; je ne compte pas les officiers du service de santé. Soyez littéraire ou scientifique, ayez reçu l’enseignement secondaire ou l’enseignement primaire, soyez déjà militaire ou ne le soyez pas, vous trouverez une porte d’entrée. Nulle autre nation ne ménage autant d’accès à la situation d’officier. La conséquence en est une diversité de tournures d’esprit, de conditions sociales, de goûts qui donne au corps d’officiers de carrière une vie intense.

Le corps des officiers de complément n’est pas moins largement ouvert. Quiconque consent à faire quelques périodes d’instruction complémentaire est admis à passer l’examen professionnel ; en même temps, les élèves des grandes Écoles, sciences ou lettres, industrie, ou agronomie, sont recrutés d’office ; ils se rencontreront avec les sous-officiers rengagés qui bénéficient de longs services actifs.

Regardez, par exemple, le corps d’officiers d’un régiment d’infanterie mobilisé : vous y trouverez des saint-cyriens, des saint-maixentais, des percepteurs anciens sous-officiers rengagés, des commis de banque, des agriculteurs, des instituteurs, des vicaires, des commerçants, des contremaîtres… Aussi quel merveilleux assemblage ! Les molécules trouvent à y emboîter sans peine les formes les plus dissemblables. L’envie s’est exercée à le rompre : on a opposé le soldat à l’officier, l’officier de complément à l’officier de carrière, l’officier de troupe à l’officier d’État-Major. Le bloc a résisté ; il s’est maintenu moralement homogène ; le temps efface les légers froissements inévitables dans une multitude pareille, et le souvenir reste seul de la grande œuvre entreprise en commun et de la bassesse des critiques.

Cette variété dans l’unité assure à notre corps d’officiers la propriété essentielle de l’encadrement, qui est la faculté d’adaptation à la troupe. L’expérience des siècles l’a prouvé : une armée ne vaut que par l’adaptation de ses cadres à la troupe.

La contre-épreuve n’est-elle pas fournie par cette malheureuse armée autrichienne où la différence fondamentale des nationalités a toujours paralysé la valeur respective très réelle des soldats et des cadres ? Et même, pour solide qu’il fût incontestablement, le corps des officiers allemands n’a pu résister à l’épreuve de la défaite, tandis que le nôtre a supporté la retraite d’août-septembre 1914, les déceptions d’avril 1917,