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par la France à ces entreprises impérialistes. M. Severing va négocier à Munster avec les délégués des ouvriers.

Troisième acte. La Reichswehr entre dans le bassin. Simple malentendu, insinue le gouvernement allemand ; il se reprend aussitôt pour avouer qu’il a donné l’ordre d’avancer; après quoi, il prétend que les effectifs envoyés dans la zone neutre, bien que comprenant un nombre de bataillons, d’escadrons et de batteries supérieur aux chiffres fixés par le protocole du mois d’août 1919, ne dépassent pas, au total, le maximum toléré ; et enfin, comme il ne parvient toujours pas à nous arracher notre autorisation, il se démasque, il lâche sa meute sur les corons et il enveloppe la Ruhr par une offensive de grand style qu’il avait fait préparer depuis quelques semaines par son état-major et qui ne peut laisser aucun doute sur sa préméditation. M. Millerand ne s’émeut pas : il répond en donnant, à son tour, l’ordre d’occuper Francfort, Darmstadt, Hombourg, Hanau et Dieburg.

La proclamation que le général Dégoutte a adressée aux habitants de ces villes leur a prouvé que nous n’étions animés envers eux d’aucun sentiment d’hostilité et que nous étions prêts à nous retirer, aussitôt que la Reichswehr aurait elle-même abandonné la zone neutre. Aucun de nos alliés n’a cru devoir s’associer à notre démonstration. Mais aucun ne la saurait blâmer. Lorsque les troupes allemandes occupent des territoires que le traité leur a interdits, lorsqu’elles s’approchent de cette ligne que le président Wilson appelait éloquemment la frontière de la liberté, c’est la France qui est la première menacée. Lorsque les troupes allemandes mettent la main sur les mines de la Ruhr, lorsque, sous prétexte de protéger les puits, elles les livrent inconsidérément au danger de la destruction, c’est la France qui risque de manquer de charbon. Nos alliés comprendront certainement que nous ne pouvions assister plus longtemps, les bras croisés, à la lacération du traité. En le défendant, c’est leur œuvre que nous défendons.


RAYMOND POINCARE.

Le Directeur-Gérant : RENE DOUMIC.