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supérieur à celui des champs, elles s’épanchent par gravitation. Généralement, les canaux étant au-dessous des terres, il faut élever les eaux d’irrigation. Toute l’Egypte est peuplée de machines élévatoires, depuis la simple vis d’Archimède jusqu’à la pompe moderne mue par de puissants moteurs. C’est une singularité du pays que de voir, au bout de chaque champ, l’âne, le buffle ou le chameau tourner la roue des sakiehs et d’entendre le grincement caractéristique des vieux engrenages de bois desséchés par le soleil. Malheureusement, les machines tendent à se substituer de plus en plus à ces attelages pittoresques. Au lieu du chant des sakiehs, ce sont les bruits disgracieux des moteurs à pétrole qui troublent maintenant le silence de la campagne égyptienne. Celle-ci n’est pas seulement un laboratoire de chimie, elle devient une vaste usine où le machinisme est appelé à se développer de plus en plus.

Le drainage ne joue pas un rôle moins important que l’irrigation. Il est essentiel d’évacuer l’excédent d’eau que les terres ont pu absorber. Cet excédent peut amener l’asphyxie des racines des plantes et surélever la nappe d’eau souterraine chargée de sel. Celle-ci dépose alors sur le sol des efflorescences destructives de toute végétation. De là cette multitude de drains creusés parallèlement aux canaux d’irrigation, qui charrient vers la mer les eaux usées ayant servi à l’arrosage. Quand les terres sont plus hautes que les drains, l’écoulement s’opère naturellement par infiltration ; autrement, il faut faire entrer en scène les machines refoulantes qui servent tantôt à puiser les eaux dans les canaux, tantôt à les rejeter dans les drains.

Cette nécessité d’un double mouvement circulatoire accentue le caractère mécanique de la culture égyptienne moderne. En outre ce va-et-vient exige des surfaces planes et des nivellements mathématiques. « Un ingénieur topographe, écrit M. Delprat, doit relever les courbes du niveau afin de dessiner en plan et en profil les canaux et les drains ; un ingénieur mécanicien doit installer les machines élévatoires. » L’Egypte a eu cette chance de découvrir pendant la guerre, près de la Mer Rouge, des puits de pétrole qui permettent d’alimenter toutes ses machines.

L’agronome que nous venons de citer relève à juste titre ce paradoxe : « Les anciennes lerres des Pharaons, submergées une fois l’an, qui produisaient toutes sans labour ni engrais une