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les pertes françaises sur la Somme et celles de l’ennemi étaient inconnues ; la lutte essentiellement ingrate qui s’y poursuivait n’avait pas amené les résultats immédiats qu’on avait escomptés. Il fut donc admis que la responsabilité du général Foch était engagée et qu’il convenait de le sacrifier ; enlevé à son commandement, il fut placé dans une demi-disgrâce. Par répercussion, l’autorité du généralissime se trouvait atteinte. Résolument optimiste, ayant foi en une prompte victoire, le général Joffre avait tardé à réclamer du Gouvernement l’effort matériel nécessité par la forme, imprévue pour tous, que la guerre avait prise ; notamment une augmentation considérable de l’artillerie lourde demandait au préalable la construction d’usines et par conséquent un laps de temps devant lequel il avait reculé. On était surpris de son calme imperturbable dans les circonstances extrêmes et cette qualité maîtresse se retournait contre lui : il apparaissait comme « installé dans la guerre, » état pour lui normal et qui par conséquent ne devait jamais prendre fin. Il avait poursuivi ses desseins avec une fermeté inébranlable et il s’était soustrait résolument à toute influence extérieure, confiné strictement dans sa lourde tâche militaire. On songea donc qu’un autre chef ayant le commandement sur le front occidental trouverait le procédé nouveau qui permettrait d’arriver à une solution plus rapide. Le général Joffre prendrait le commandement de toutes les armées françaises et aurait sous ses ordres ce nouvel organe. Une discussion pénible s’ensuivit. Finalement, le maréchal Joffre fut élevé à la dignité de maréchal de France, sans rôle bien défini.

Le général Nivelle qui avait commandé avec éclat l’armée de Verdun, lui succéda. Mais il n’aura pas la même indépendance que son prédécesseur : il devra tenir compte des influences qui ont provoqué la crise d’où est sortie son élévation, et apporter dans la guerre une formule nouvelle.

Général Mangin.