Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/753

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
749
comment finit la guerre.

de l’attaque : le commandement français savait qu’il disposerait de moyens qui au début seraient inférieurs à ceux de la défense et qu’il prendrait la supériorité au cours de l’action.

Les effectifs d’infanterie étaient sensiblement égaux dans les deux camps. Le dispositif des divisions allemandes accolées sur de très petits fronts se prêtait moins bien à la manœuvre que celui des divisions françaises dont le front était sensiblement double ; mais surtout l’expérience des actions antérieures avait montré l’efficacité des procédés employés sur ce terrain : un barrage de projectiles de campagne tombant derrière les tranchées y clouait le défenseur, que l’artillerie lourde et les engins de tranchée mettaient hors d’état de combattre. En même temps, le tir d’autres pièces lourdes bouchait l’orifice des abris profonds du temps de paix qui servaient de places d’armes à la défense : quand la vague d’assaut se mettrait en route, précédée à 70 ou 80 mètres de son barrage d’accompagnement, elle ne trouverait plus que de rares résistances locales et s’avancerait jusqu’aux abris profonds dont les défenseurs seraient faits prisonniers. Le général Mangin put affirmer aux généraux Joffre et Nivelle, deux heures avant l’attaque, que 22 bataillons allemands allaient être anéantis. Quant aux forts, ils étaient éventrés ; on ne pouvait calculer leur prise avec la même certitude que la conquête du terrain, mais l’occupation de la superstructure était certaine et la prise totale paraissait une question d’heures, de deux ou trois jours au plus.

Si un pareil succès pouvait être escompté avec une telle certitude, ce n’était ni grâce à l’accumulation des moyens matériels, puisqu’au début de la lutte l’artillerie allemande était indiscutablement très supérieure en nombre, en portée, en rapidité de tir, et même en calibres (sauf pour quelques pièces françaises de 400 et 370 mm dont le tir est localisé contre les forts), ni grâce à l’action de masses d’infanterie qui submergeraient l’adversaire sous le nombre, puisque la densité de l’attaque sera faible afin de n’exposer aux pertes que le nombre d’hommes exactement suffisant pour obtenir le résultat ; c’est grâce à l’emploi de méthodes logiques, de procédés de tir bien conçus qui assurent la supériorité sur l’artillerie ennemie et qui permettent de compenser dans une large mesure l’infériorité en nombre et en matériel ; c’est grâce à l’élan des troupes, à leur confiance dans leurs chefs ; et ce sont