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s’il résulte de cette résolution une perte de matériel, le général en chef en prend toute la responsabilité. En lui présentant le télégramme qu’il a fait rédiger dans ce sens, l’aide-major général attire son attention sur cette décision, et sur la responsabilité qu’il assume ainsi : « J’en ai pris bien d’autres ! » répond placidement le général Joffre en signant. Au ministre de la guerre qui l’invitait à hâter l’attaque franco-anglaise, il exposa la situation générale ; le déclenchement de l’offensive projetée avait été subordonné au renforcement des armées anglaise et russe en hommes et en matériel ; l’heure était venue, et le canon de la Somme faisait entendre son grondement.

L’offensive admise par tous les alliés le 6 décembre 1915 dans les conférences de Chantilly avait été concertée entre le général Joffre et sir Douglas Haig au cours de l’hiver. Les Anglais avaient une tendance naturelle à prononcer leur principal effort vers la côte afin de menacer les bases navales qui servaient aux attaques des sous-marins allemands ; sir Douglas entra néanmoins dans les vues du général en chef français, et à la fin de février 1916, à la veille de l’offensive contre Verdun, les deux chefs s’étaient mis en complet accord pour exécuter jointivement une attaque décisive à cheval sur la Somme. Elle devait commencer vers le 1er juillet.

Le général Foch, commandant le groupe des armées du Nord, devait exécuter cette attaque avec 39 divisions, réparties entre 3 armées sur un front de 50 kilomètres, et disposerait d’une importante artillerie lourde. L’armée britannique prolongerait le front d’attaque de 20 kilomètres vers le Nord ; la bataille de Verdun eut comme seule conséquence de faire relever la 10e armée française par l’armée britannique, et le général Joffre, voulant la laisser tout entière à la préparation de son offensive, déclina l’offre de sir Douglas Haig de la faire coopérer à la défense de Verdun. Ces troupes toutes nouvelles, auxquelles la conscription votée en janvier 1916 venait de donner enfin une base de recrutement solide, avaient besoin d’un certain temps pour s’organiser et s’instruire. Les 4 divisions du combat de Mons, — 70 000 hommes, — qui composaient « la méprisable petite armée du maréchal French » s’étaient successivement augmentées, et les forces britanniques en France comprenaient 54 divisions, — plus d’un million de combattants. Leur artillerie et leurs munitions, par suite