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pas tenu par une personnalité puissante ; tant que Verdun sera le seul théâtre d’opérations, le général Joffre y exercera une action directe. Il peut ainsi y calculer strictement l’emploi de ses forces, car il doit réserver les moyens d’action nécessaires à l’offensive franco-anglaise qui se prépare dans la Somme, selon le plan d’opérations arrêté en décembre 1915 dont il poursuit imperturbablement l’exécution. Sir Douglas Haig a bien voulu étendre son front et libérer ainsi la 10e armée française, dont les forces pourront être employées en renforts à Verdun ; le général anglais offre de contribuer directement à la bataille qui s’y est engagée : le général Joffre décline ses propositions, voulant laisser toutes les forces britanniques à l’offensive projetée.

Les 12 et 13 mars, le bombardement allemand reprit sur les deux rives de la Meuse avec une extrême violence ; le 14, une petite avance rapprocha du Mort-Homme la ligne assaillante, arrêtée par quelques contre-attaques heureuses. Le 16, le village et le fort de Vaux résistèrent avec succès à de violents assauts répétés jusqu’à cinq fois. Mais le 20 à la nuit, après une furieuse préparation d’artillerie, les Allemands s’emparaient du bois d’Avocourt, médiocrement défendu par une troupe qui parait s’être laissé impressionner par le jet de liquides enflammés en très grande quantité. Toutefois, les jours suivants, l’assaillant essaya vainement de déboucher du bois : une artillerie bien réglée arrêtait tout mouvement en avant. Montée à loisir, une contre-attaque française reprit le 29 ce bois qui faisait saillant dans les lignes et pouvait servir de base à une progression gênante pour l’ensemble. Une lutte violente continua pendant quatre jours pour la possession de ce terrain, qui finalement resta aux Français. Mais, en revanche, tout le saillant de Malancourt tomba aux mains des Allemands, les Français durent évacuer Béthincourt et se replier sur la rive Sud du ruisseau de Forges ; ils perdirent même le sommet du Mort-Homme.

Sur la rive droite, la fin de mars avait vu la lente progression des Allemands dépasser légèrement le village de Vaux. Le 2 avril, descendant les pentes de Douaumont, ils s’emparaient du bois de la Caillette, et franchissaient le ravin du Bazil ; aucune ligne de défense, aucune troupe de réserve ne les séparaient plus du fort de Souville. Même, ils avaient dépassé les feux de barrage de l’artillerie française. À ce moment entrait en