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comment finit la guerre.

communiqué retentissant : « Le fort de Vaux, ainsi que les nombreuses fortifications voisines, ont été enlevés dans une brillante attaque de nuit par les régiments de réserve de Posen… » On peut supposer que des prisonniers allemands amenés dans le fort et traversant sa superstructure ont été pris pour une victorieuse troupe d’attaque. Il fallut démentir le surlendemain en déclarant que le fort cuirassé était devenu « un monceau de ruines sans valeur » et avait été évacué. Le premier communiqué semble bien le résultat d’une erreur, mais le second est un mensonge. — Tous les témoignages dans les deux camps, et notamment, la correspondance des soldats, témoignent de l’acharnement de la lutte dans ces journées et de la vaillance déployée par les deux adversaires. Les Français ont remarqué particulièrement parmi leurs ennemis les troupes bavaroises, dont le sang était répandu sans compter par le commandement prussien.

Le général Joffre avait senti qu’il avait gagné la première manche de cette terrible partie. Bien que sobre de paroles, il remercia les soldats de Verdun : « L’Allemagne espérait, leur dit-il, que la prise de Verdun raffermirait le courage de ses alliés et convaincrait les pays neutres de sa supériorité. Elle avait compté sans vous… La lutte n’est pas terminée, car les Allemands ont besoin d’une victoire. Vous saurez la leur arracher… Vous serez de ceux dont on dira : ils ont barré aux Allemands la route de Verdun. »

Le généralissime ose donc annoncer à ses soldats que la bataille va continuer ; il relève le défi de son ennemi, qui attache à la prise de Verdun une importance morale, à défaut d’une importance stratégique qu’elle n’a pas : l’Allemand n’a pas obtenu la percée rapide qu’il pouvait espérer, et son but se limite à la prise des forts sur la rive droite de la Meuse, rectification de front d’une importance toute locale ; il en est réduit à donner à cet objectif une importance factice : Verdun, « pierre angulaire de la principale forteresse de la France », etc… Le général Joffre tiendra donc, et sa victoire sera rehaussée des déclarations même de l’ennemi. Il vient fréquemment sur place, pour deux ou trois jours, il garde la 2e armée du général Pétain sous son commandement immédiat, s’allégeant ainsi de l’intermédiaire « groupe d’armées, » organe souvent inutile, parfois nuisible, toujours pesant et retardataire, quand il n’est