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Les attaques antérieures ont donné naissance à des études fort utiles, qui ont servi de base à de véritables règlements, bien conçus ; mais un certain formalisme en est résulté, qui pèse sur la décision et surtout sur l’exécution ; on croit encore nécessaire l’établissement des divers plans qui règlent le rôle de chacun dans l’attaque, et surtout la réunion de moyens puissants, comme s’il s’agissait d’enlever une position organisée à loisir. Le vieux principe a été perdu de vue de songer à l’ennemi en se disant toujours : « Il pleut dans mon camp, mais il pleut dans le sien. » Cette comparaison naturelle amènerait souvent des réflexions consolantes : « Il vient de me bousculer, mais il ne sait plus où est sa ligne ; son artillerie tire au hasard et la mienne a ses objectifs précis. Il marche en terrain inconnu, dont je connais chaque motte de terre. Mon tir va couper ses ravitaillements, et mes hommes se sont rapprochés de tous leurs dépôts. » La méthode s’enseigne, mais seule la pratique développe le sens de l’improvisation quand il n’est pas inné, et, toutes choses étant égales d’ailleurs, il sera toujours plus facile d’attaquer que de contre-attaquer.

L’attaque allemande ne progressait plus sur la rive droite qu’avec une extrême lenteur. Le long de la Meuse elle était gênée par les feux de la défense qui la prenaient d’écharpe et même de revers. Le Kronprinz se décida enfin à élargir son front d’attaque sur la rive gauche de la Meuse, essayant trop tard de réparer le vice initial de son offensive. Le 4 mars, il demanda à son groupe d’armées le suprême effort pour prendre Verdun, « le cœur de la France. » Après deux jours de bombardement, il attaque avec deux divisions le 6 mars. Mais les Français l’attendaient là depuis quinze jours ; ils cédèrent avec une médiocre résistance le passage du ruisseau de Forges et la partie de leur ligne qui était dominée par les feux de la rive droite et qu’ils ne tenaient plus que par de gros avant-postes. Le lendemain les Allemands continuèrent à avancer, achetant leurs progrès de plus en plus cher, mais ils durent s’arrêter devant le Mort-Homme.

Du 8 au 11, la bataille s’étendit simultanément sur les deux rives. Il y eut quelques progrès insignifiants sur la rive gauche, mais le Mort-Homme tint bon, de même que la côte du Poivre sur la rive droite. Les Allemands s’avancèrent jusqu’aux abords du fort de Vaux, dont ils annoncèrent la prise dans un nouveau