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la force pourtant ne lui manquait pas toujours. On ne l’a pas bien compris, on ne le comprend pas bien encore, et ce n’est pas seulement le grand public, — ou le gros, — auquel nous en voulons un peu de ne pas accorder le rang qui lui convient, et lui revient, à l’art-sérieux et charmant de Gabriel Pierné.

Les Paysages Franciscains ne sont que des esquisses. Mais si la couleur en est fine, subtile même, le dessin, chose plus rare aujourd’hui, s’y ajoute, ou plutôt la soutient. Dans une lumière infiniment douce, que créent les harmonies et les timbres, on reconnaît un ordre, un plan, on distingue et l’on suit des lignes. Ainsi, par les teintes et par les formes, cette musique est deux fois ressemblante au pays qu’elle évoque. La dernière des trois « études » sonores, (une procession), en même temps que la plus thématique et la plus « composée, » en est aussi la plus brillante. Elle n’a pas moins d’éclat, l’éclat d’une fête populaire et religieuse, que les deux autres n’ont de douceur, je dirais volontiers de tendresse. Le premier paysage, (le jardin de Sainte Claire), ne nous a pas rappelé seulement par le nom de la sainte, un épisode, suave entre tous, du Saint François d’Assise : le colloque entre la sainte et le saint. Il commençait, le délicieux dialogue, par un thème dont nous ne croyons pas que la figure mélodique se retrouve ici. Mais à défaut des notes, c’est le sentiment, c’est l’esprit ou l’âme du chant d’autrefois qui, dans la brève et délicate symphonie d’hier, s’est, à la manière des parfums, insinuée et répandue.

Laudes Italiæ. Tel est le titre d’un petit poème que M. Jœrgensen, l’historien danois de Saint François, a donné comme prologue à ses Pèlerinages franciscains : « Béni sois-tu, Seigneur, pour la route blanche, blanche et solitaire, qui me conduit fidèlement jusqu’aux blanches cités des montagnes lointaines… Et béni sois-tu, Seigneur, pour les innombrables cités italiennes… pour Assise et Pérouse, et pour le petit village de la l Rcca parmi les monts ombriens… Béni sois tu, Seigneur, pour toute la terre d’Italie !… » Nous ajouterions volontiers : « Pour certaines œuvres musicales que cette terre inspira. » « Et ego… » À nous aussi la musique de M. Gabriel Pierné rappelle de vieux et chers souvenirs ombriens. Des reflets s’y mêlent à des échos. Un soir d’automne, allant d’Assise à Pérouse, nous vîmes sous les oliviers une scène de labour. Deux grands bœufs gris tiraient la charrue. À l’arrière, un jeune homme était assis. Avec une grâce antique, un de ses pieds nus louchait la terre fraîchement retournée. Ainsi le soc vivant achevait le sillon