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entraîne, elle enferme et le chant et l’orchestre en des cercles de joie. Et cette joie est saine, elle est robuste et gaillarde. Mais cela n’empêche que par moments — oh ! très courts, quelques secondes à peine, — elle s’affine, et se tempère, ou se voile, d’une ombre de sentiment et de poésie.

Détails, diront les renchéris, et rien de plus. Soit, mais précieux détails, et nombreux. En résumé, l’œuvre de M. Levadé n’est pas encore la comédie musicale française que l’on voudrait. Plus exactement elle n’est pas toute celle comédie. Elle en est la promesse, au moins. Elle en a les dehors et les allures. Une autre, du même auteur, peut en avoir demain le dedans et l’âme. Depuis le délicieux Marouf on n’a peut-être rien écrit de plus agréable, de plus nôtre, que les « bonnes feuilles » de cette partition. Elles permettent de ranger M. Levadé parmi ceux de nos compositeurs de musique qu’on peut appeler des musiciens. Nous ne les citerons pas, à cause des autres.

L’interprétation de la Rôtisserie fut très bonne. Accorte, brillante, Mlle Edmée Favart, dans le rôle de Catherine, se montra fort à son avantage. Quand on parle de M. Jean Périer, qu’il soit Pelléas, ou Marouf, ou Jérôme Coignard, on est bien obligé de dire toujours la même chose, parce que l’intelligence, la sensibilité, c’est aussi toujours la même chose. Enfin nul chef d’orchestre n’était mieux fait que M. André Messager pour assurer, de la part de chacun et de tous, l’excellente exécution d’une musique qui par moments ressemble à la sienne.

Parmi les musiciens, les vrais, auxquels — en les taisant — nous faisions allusion plus haut, il en est un qu’il faut pourtant nommer, à propos d’une œuvre nouvelle, pour orchestre, exécutée aux concerts du Châtelet. Elle a pour titre Paysages franciscains et pour auteur M. Gabriel Pierné. C’est la seconde fois que M. Pierné s’inspire de la personne et de la patrie du Paverello. Si vous avez oublié son oratorio de Saint François d’Assise, je vous engage à le relire, et je souhaite qu’on le réentende.

Il n’est pas, M. Pierné, le musicien d’un seul genre et d’un style unique. L’An Mil, autrefois, et, tout récemment, un quintette pour piano et instruments à cordes suffirait à prouver que la manière forte ne lui est point étrangère. Déjà le plus ancien de ses trois oratorios, la Croisade des Enfants, avait témoigné par moments d’une réelle grandeur. Depuis, dans les Enfants à Bethléem, surtout dans le délicieux Saint François, sa grâce peut-être était la plus forte, mais