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de toi, et tout ira bien. Je vais mettre toutes voiles dehors, et, dans les trente jours de janvier, j’aurai tout payé, [tout] ce qui est à payer. Donne-moi les trois premiers mois de ta liberté ; je les veux. N’aie aucune peur. Tu ne sortiras pas ; tu te promèneras loin de tout, quand il faudra te promener. D’ailleurs, j’aurai à travailler nuit et jour auprès de toi. Tu seras recluse avec moi. Que tu sois le 30 mai dans ton affreux pays, c’est tout ce qu’il faut ; eh bien ! tu y seras.

Je t’écrirai peu maintenant, car il faut travailler à vingt feuillets par jour. Ma jambe est toujours enflée ; mais je ne vois aucun danger. Je dis cela en réponse à quelques lignes de ta lettre auxquelles tu as, à l’heure qu’il est, bien des réponses, car tu as une lettre [de moi] tous les jours ou tous les deux jours. Depuis que je te sais seule, je passe ma vie à t’écrire, comme tu l’as vu. Maintenant tu vas être sevrée de cela, car j’ai à peine le temps d’écrire ce que je dois écrire.

Viens, mon ange aimé ! Comment, après ce qui vient de se passer, peux-tu vouloir m’ôter le bonheur, et comment, sachant ce que j’ai à faire, veux-tu m’ôter le bonheur de travailler sous tes yeux ? Non, c’est de la barbarie ! Tu ne veux donc pas voir, ô Eve, ton petit Paradis ? Tu n’es guère curieuse. Ta sœur ne saura rien ; elle ne m’a pas vu depuis un mois, et ne me verra plus que deux fois. Je me défie des tiens.

Sois tranquille sur ma fortune ; elle sera solide, et tu le verras au premier coup d’œil Je sais à quoi m’en tenir sur ce que tu appelles la Glacière. Nous avons pour vingt-cinq mille francs de réparations et de glaces, etc.. La maison coûte cinquante-deux mille francs, frais compris ; c’est soixante-dix-sept mille francs sans meubles. Quand tu verras cela, si tu es ù même de comparer, tu m’en diras des nouvelles. J’aurais eu pour cinq à six mille francs de loyer à Paris, et il fallait déménager [d’ici] le 1er avril. Voilà des chiffres desquels je suis sûr. Les dépenses sont à peu près finies et M. Santi a les mémoires.

Dans les six premiers mois de 1847, j’aurai payé toutes mes délies. Eh bien ! j’aurai encore cent actions du chemin de fer [du] Nord, et la maison payée. Qu’en dis-tu, loup, qui trembles de mes folies ? Ne t’épouvante de rien ; je paierai quinze mille francs ce mois-ci, et après cela, viens en février, viens le plus tôt possible, car, je te [le] dis, je t’arrangerai dans un petit coin. Il vaut mieux attendre [l’achèvement de