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comment finit la guerre.

— lâchement d’ailleurs, — sur une population désarmée, en confondant de parti pris les innocents et les coupables supposés. Si la population civile s’était livrée à des actes hostiles contre les soldats allemands, les premières victimes eussent été les hommes du corps de cavalerie von der Marwitz, qui, du 4 au 17 août, escadronna dans tout le pays entre Liège et Dinant. Les patrouilles et les cavaliers isolés qui l’éclairaient, ses nombreuses estafettes, ses convois échelonnés sur de longues distances offraient une proie facile à l’hostilité des habitants. Mais, incité à une prudente sagesse par sa dispersion forcée, ce corps de cavalerie se conduisit à peu près honnêtement ; il fut accueilli avec une réserve assurément antipathique, mais qui ne s’exprima par aucun acte de violence, et aucun fait nettement répréhensible n’a été reproché à ce corps. Il est donc faux que la guerre de francs-tireurs ait été organisée par les Belges ; le haut commandement allemand est pleinement responsable de toutes les atrocités, et si quelques-uns de ces crimes ont été commis par des troupes que leurs chefs avaient suggestionnées et qui pouvaient alléguer de bonne foi la nécessité de leur défense, la responsabilité demeure entière sur le commandement. La même sauvagerie déshonora l’invasion allemande en Lorraine ; il s’agissait d’un système de guerre qui visait à terroriser la population civile, à la faire refluer en désordre vers sa capitale, afin de briser toute résistance par l’épouvante et d’obtenir plus rapidement la paix à l’Ouest pour pouvoir se retourner vers l’Est.

D’ailleurs nous tenons l’aveu complet dans la lettre de Guillaume II à l’Empereur d’Autriche François-Joseph : « Mon âme se déchire, mais il faut tout mettre à feu et à sang, égorger hommes, femmes, enfants et vieillards, ne laisser debout ni un arbre ni une maison. Avec ces procédés de terreur, les seuls capables de frapper un peuple aussi dégénéré que le peuple français, la guerre finira avant deux mois, tandis que, si j’ai des égards humanitaires, elle peut se prolonger des années. Malgré toute ma répugnance, j’ai donc dû choisir le premier système. »

C’est donc bien de propos délibéré que l’Allemagne, dès le début d’une guerre déclarée par elle, s’enfonçait dans la barbarie par une régression systématique : la neutralité des petits États, solennellement garantie, est violée sans le moindre