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comment finit la guerre.

quelques inconvénients militaires assez sérieux, mais il démontrait à l’Europe et au monde civilisé tout entier de quel côté était la volonté d’agression et agissait fortement sur l’opinion publique en Angleterre, aussi indécise que le gouvernement britannique ; le reste fut fait par la violation de la neutralité belge et la menace sur Anvers, qui ne pouvait tomber sous la coupe de l’Allemagne sans redevenir « un pistolet chargé au cœur de l’Angleterre. »

L’Angleterre en effet avait demandé à la France et à l’Allemagne si elles avaient l’intention de respecter la neutralité belge garantie par les traités de 1831 et 1837 ; la France s’y était engagée aussitôt, mais l’Allemagne avait envoyé immédiatement un ultimatum à la Belgique pour l’aviser du passage de ses troupes et répondu ensuite à l’Angleterre que l’invasion de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg était commencée et que des « raisons stratégiques » ne permettaient pas d’arrêter la marche de ses armées. Et le 4 août, en remettant ses passeports à l’ambassadeur d’Angleterre, le chancelier Bethmann-Hollweg prononçait les paroles mémorables : « Vous allez donc nous faire la guerre pour un chiffon de papier ! »

Le 2 août en effet, le Grand-Duché de Luxembourg avait été occupé sans résistance, malgré le traité de 1867, par lequel le roi de Prusse s’était porté garant de sa neutralité perpétuelle, et la convention de 1902 par laquelle l’empereur d’Allemagne avait de nouveau proclamé la neutralité du Grand-Duché et stipulé qu’en aucun cas les chemins de fer dont l’Allemagne assurait l’exploitation ne seraient employés au transport de ses troupes. Le 3 août, la Belgique avait repoussé dignement l’ultimatum de l’Allemagne et refusé d’autoriser le passage de l’armée allemande sur son territoire ; dans la soirée, la Belgique fut envahie et les opérations contre Liège commencées sous les ordres du général von Emmich. Il s’agissait de rassembler rapidement des brigades qui n’avaient pas encore tout leur effectif de guerre au complet et d’attaquer par surprise un camp retranché avant que sa défense eût été organisée. L’armée du général von Emmich comptait au total 120 000 hommes. Les 4 et 5 août, le général Leman, qui ne disposait que de 40 000 hommes de garnison, infligea sur la ligne des forts un sanglant échec aux premières attaques, menées avec une précipitation et un mépris de l’adversaire qui méritaient une puni-