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monarchies que par la suppression de l’hérédité et par l’élection du président, le chef de l’État n’est, à vrai dire, que la personnification des grands intérêts de la nation.

Dans les royaumes qui nous entourent, ce rôle éminent de la Couronne n’est discuté par personne et, lorsque le roi parait quelque part, il évoque, dans l’esprit de la foule qui l’acclame, l’ensemble des forces morales et matérielles qui constituent la patrie. Il est un symbole devant lequel tout le monde s’incline. Le Président de la République française a droit à la même immunité. C’est une singulière contradiction que de lui refuser constitutionnellement tout moyen d’agir par lui-même et de le rendre cependant responsable de ce qui se fait, en dehors de lui, dans le cours de sa magistrature. Besoin n’est pas, certes, de le protéger par le rétablissement du crime de lèse-majesté; c’est l’opinion publique qui doit faire la garde autour de lui et ne pas permettre que son prestige, où se reflète l’unité nationale, soit obscurci par la malveillance et par le parti pris.

Partout où M. Deschanel a, dans ces dernières semaines, pris contact avec le peuple, cet accord général du sentiment public s’est spontanément établi sur son nom. La politique française a donc, pour sept années, un point fixe et un centre de ralliement. Jamais cette garantie de stabilité n’a été plus nécessaire. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, nous avons à entreprendre une œuvre de longue haleine, qui exige autant de persévérance dans les desseins que de clarté dans la conception.

Comme l’a dit, à plusieurs reprises, M. Millerand, président du Conseil, dans ces discours sobres et vigoureux dont il est coutumier, nous avons, avant tout, à assurer l’exécution du traité de paix; nous avons à tenir le noble serment prêté à Bordeaux, au nom de la France, par le Président de la République.

Au moment d’aborder une tâche qui a déjà souffert trop de retards, nous devons prendre gardé que tout conspire à nous la rendre très ardue. Lorsque l’Allemagne a signé le traité de Versailles, elle a reconnu par écrit, sur l’honneur de ses plénipotentiaires, qu’elle était coupable d’avoir déchaîné la guerre et qu’elle devait, par respect pour la justice, réparer le mal dont elle était l’auteur. Mais à peine l’encre des signatures était-elle sèche qu’a commencé, avec une science raffinée du mensonge, une double campagne destinée à libérer l’Allemagne des obligations qu’elle venait de contracter. D’une part, le Reich, prenant, avec une ardeur