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parle plus clairement. » A son instigation sans doute les Pères de Metz travaillent à « précipiter le dénouement[1]. »

Pour comble, les laïques intrigants se font de fête. Le Tellier et le Père Annat préviennent l’Intendant de Bordeaux et Montauban, Pellot, que, dans son voisinage, en Agenais, Théodore Maimbourg « a disposé quelques ministres à se convertir. » Quelle occasion de se signaler pour un de ces fonctionnaires zélés de ce Midi naguère encore frondeur et où il s’agit de parachever en vitesse le rétablissement de l’autorité royale ! Aussitôt donc[2], l’évêque de Montauban, le Père Frénicle, jésuite, et l’intendant Pellot dressent en collaboration « un projet pour réunir à l’église romaine ceux qui font profession en France de la religion prétendue réformée ; » ils en avertissent M. Le Tellier et le Père Annal, ils en adressent l’exposé à Colbert. Et ce projet-là, combien il doit sourire au grand ministre réalisateur, qui, lui aussi, veut plaire au Roi, sans s’attarder trop à des vétilles ! Convertir les protestants ? lui écrit son subordonné de Montauban, rien de plus facile. « Du moment où la religion prétendue réformée n’est plus soutenue en France que par les instructions que les ministres font au peuple dans les prêches et par l’autorité de quelques particuliers qui gouvernent dans les consistoires, » quel est l’expédient qui s’indique de soi, en présence de gens divisés, sinon « de gagner secrètement dans chaque province les principaux ministres et ces particuliers ? Si les chefs donnent les mains, le reste, qui n’est que peuple, suivra. » Or, pour les « gagner, » que faut-il. ? Des raisons ? La belle affaire ! Tout uniment l’offre de « quelques pensions, avec assurance que, si le dessein de Sa Majesté réussit, ils auront autant et plus de revenus qu’ils n’en retirent de leurs emplois. » Le coût de la chose ? Insignifiant. Dans la Guyenne, « où ceux de cette profession sont en plus grand nombre, le Roi pourrait mettre un fonds de 20 000 livres entre les mains de son intendant de justice, » — Pellot, — et celui-ci, « étant une personne publique, qui traite avec toute sorte de gens, pourrait parler aux ministres religionnaires avec plus

  1. Thirion, Histoire du protestantisme à Metz, p. 271-273.
  2. Voir les pièces adressées à Colbert pur Pellot, intendant de Bordeaux et de Montauban, le 13 octobre 1666. (Lettres et mémoires de Colbert, publiés par Clément, t. VI, p. 431-433.) Voir aussi le Grand dessein du nonce Bargellini et l’abbé Desistes, par Augustin et Claude Cochin, 1913.