Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou manuel » à l’usage des confesseurs au lit des agonisants des interrogations toutes conformes à cette « saine opinion ? » « Il est vrai, » avoue Ferry, qu’à ces exhortations très pures, « le curé entremêlait quelque chose de l’invocation de la Vierge et du bon ange du malade et du saint auquel il pouvait avoir eu une affection particulière ; » mais, ajoutait l’excellent homme, — si peu ! « Il ne lui faisait dire qu’un petit mot à la Vierge, et point aux autres. » Et c’était lui, curé, qui prenait sur lui de réciter les litanies, et non pas le malade. C’est donc que « l’invocation aux saints n’était pas crue nécessaire à son salut. » « Ferons-nous doute que ceux qui mouraient en cette foi, » en ces formes, « n’aient pu être sauvés ? » « Ce que les curés y ajoutaient.., » c’était ce superflu innocent, dont parle l’Apôtre (I Cor., 3, 12, 15) ; c’étaient des pratiques surérogatoires, mais non pernicieuses.

Ainsi, d’interprétations en interprétations bienveillantes, éliminant avec ardeur tous les griefs qui n’étaient point indispensables à retenir, Ferry ne trouvait plus que cent dix ans où l’Eglise catholique eût été authentiquement entachée d’erreurs entraînant la réprobation éternelle.

Il allait encore plus loin, l’intrépide « accommodeur ! » Après tout, ces erreurs entraînaient-elles l’irrémédiable damnation ? Ne jugeons point. : Jésus l’a défendu. Songeons à ce fondement du christianisme, aussi incontesté que le péché de l’homme : la bonté de Dieu ; — plutôt que de laisser mourir un de ses fils, il ferait un miracle, soit par l’envoi et le ministère d’un ange, « comme il en a employé plusieurs et comme on demeure d’accord qu’il pourrait encore faire pour les instruire, » soit par quelque prêche, ou par la rencontre de quelque bon livre, ou, à défaut de tous ces moyens, « par la grâce du Saint-Esprit, qui peut, en un moment, illuminer et donner la foi. »

Des conséquences logiques notables découlaient de toutes ces indulgences : Ferry, dans cet ouvrage de 1654, ne reculait point devant elles. Si dans son passé lointain, l’Eglise romaine n’a pas été incurablement viciée ; si, au temps de la Réforme même, elle ne l’était pas assez gravement pour que le salut y fût impossible, y avait-il lieu d’abord de s’en séparer si totalement ? Ferry, avec courage, s’interroge. Que dirions-nous à qui nous objecterait saint Mathieu (13, 28) : « que vu la