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ou un avantage de plus que les Edits de Nantes et d’Alais ne leur en avaient octroyé, par grâce, au lendemain des guerres civiles.

Ce but, tous les textes le prouvent ; ces moyens, tous les faits. Ne prenons que les faits législatifs et juridiques : rien qu’à relever ceux que les Mémoires du Conseil de 1661[1] relatent, but et moyens apparaissent : Louis XIV a déjà pensé sa politique, et il la fixe, et l’ayant fixée, il la fait, droit devant lui. Ne prenons que les décisions émanées de la Cour, et seulement durant les cinq années qui vont du milieu de mars 1661, où Mazarin mourut, au milieu de mai 1666, où commença fa négociation pacifique de Bossuet avec Ferry : dans ce petit laps de temps, neuf déclarations royales, quatre-vingt-quatorze arrêts de Conseil frappèrent les Protestants de punitions, coactions, restrictions diverses. C’est en paralysant sous toutes ses formes la vie du Protestantisme que l’on prépare sa mort.

Mais à ces actes visiblement hostiles, à ces mesures de guerre avérées, d’autres se mêlent, d’air et de nature pacifiques : les Projets de Réunion. A quoi, — bien qu’on s’y soit trompé, — nulle contradiction. Si mal que le gouvernement fût renseigné, — les statistiques religieuses sont toujours et partout difficiles, — sur l’importance numérique du Protestantisme, quelque dédain qu’il eût de sa force de résistance morale, — la psychologie des gouvernements, en fait de sentiments religieux, est toujours courte, — on savait confusément que les Protestants étaient nombreux, et l’on constatait surabondamment qu’ils étaient entêtés. Il pourrait être long par des mesures civiles, de grignoter et de décimer les religionnaires, de « miner les huguenots, » selon l’expression du médecin Guy Patin. Une « réunion » serait plus expéditive : un coup de filet plus brutal, mais plus grandiose. La « Réunion » collective rentrait naturellement dans le plan royal. La Cour ne décourageait point ceux qui lui en parlaient.

Il y eut peu de propositions de ce genre dans les premières années du règne personnel de Louis XIV[2] jusqu’aux conférences de Bossuet et de Paul Ferry. En 1660-1661, en Languedoc, le prince de Conti, de plus en plus ardent aux choses

  1. Dans la si précieuse publication de M. Jean de Boislisle, I, 121, 287 ; II, 69, 185 ; III, 31, 32, 33, 39, 52, 33, 96, 97, 100.
  2. Bourrelly, Fabert, II, 255-256, notre ouvrage cité plus loin.