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persuasion, par l’appel au devoir patriotique, n’essaierions-nous pas de la faire établir régulièrement partout ? Peut-on croire que certains directeurs de journaux, jusqu’à présent rebelles à la critique dont ils n’ont pas compris l’utilité et le pouvoir, se déroberaient à la pressante requête des Sociétés d’écrivains, des groupements économiques, des œuvres de propagande, qui, s’adressant à leur patriotisme, leur diraient : « C’est l’influence de notre pays qui est en jeu. Pendant la guerre, vous avez participé utilement à la défense nationale. Pendant la paix, c’est un service national que vous rendrez en renseignant le monde sur le mouvement des idées en France. La France a besoin que le monde sache ce qu’il y a dans les livres de notre pays et soit tenu au courant de sa pensée. »

Alors ces directeurs de journaux cesseraient de répéter, comme ils le font à la légère, que la critique n’intéresse pas le public ; ils auraient la surprise de découvrir qu’il y prend au contraire un extrême plaisir, si elle est faite intelligemment et dignement, parce que, ne pouvant tout lire, il est d’autant plus heureux de savoir ce que contiennent les livres de son temps. Il importe d’abattre ce préjugé contre la critique, que parfois les auteurs eux-mêmes ont imprudemment contribué à répandre. Du même coup, on rendrait toute son indépendance à un genre littéraire qui, en France, nous a valu de fortes œuvres et qui, trop souvent privé de la place nécessaire à son épanouissement, n’exerce plus, au profit de notre pays, autant d’influence qu’il en devrait avoir.


GEORGES LECOMTE.