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de futiles dépenses, ne répondant pas aux besoins impérieux de l’esprit et du corps, que passent en grande partie les majorations de salaires, ne serait-il pas raisonnable de s’en tenir pour elles à la mesure exacte où elles ne compromettent pas l’avenir et la possibilité des salaires eux-mêmes ?

Or, il semble bien que, au taux d’aujourd’hui et avec une vente rendue plus difficile par l’excessive cherté des livres, les éditeurs soient sur le point de réduire leurs commandes à l’indispensable.

Vraiment, lorsqu’on examine avec bonne foi les prix de revient actuels, on acquiert la certitude que, si les conditions de l’établissement des livrés ne s’améliorent pas très vite sur certains points, les éditeurs ne pourront couvrir leurs frais que s’ils se bornent à publier des livres d’actualité passionnante ou d’auteurs glorieux, dont la vente s’impose. Mais cette utilisation des gloires présentes ne peut durer bien longtemps. Il est indispensable que, dans leur propre intérêt, les éditeurs s’efforcent de faire apparaître des talents nouveaux et de leur conquérir le grand public.

Écrivains et travailleurs du Livre ont une tendance à croire que les éditeurs exagèrent leurs charges et diminuent le chiffre de leurs profits. Longtemps j’ai partagé cette prévention, je l’avoue, et je crois encore que certains éditeurs se sont plaints avant d’avoir des raisons sérieuses de se plaindre. Mais il faut bien reconnaître que, aujourd’hui, beaucoup d’entre eux travaillent et risquent leurs capitaux dans des conditions peu encourageantes. Lorsqu’ils ne perdent pas sur leurs livres d’auteurs peu connus et à médiocre tirage, du moins la marge est-elle fort étroite entre le prix de revient et le prix de vente. Aussi, et malgré ce que les statistiques et les tableaux ont d’ingrat, il me semble nécessaire de mettre le détail de ces prix de revient sous les yeux des lecteurs, afin qu’ils en puissent faire la même étude que nous-mêmes.

En 1914, avant la guerre, le papier ordinaire pour les éditions courantes à 3 fr. 50 valait, selon la qualité, de 42 à 60 fr. les 100 kilogs. En 1918, après une hausse progressive et ininterrompue depuis 1916, ce même papier atteignit, comme nous l’avons vu, 250 et 300 francs. Aux premiers mois de 1919, ce prix avait légèrement baissé. Mais voici qu’a recommencé de se dessiner un nouveau et rapide mouvement d’ascension. A