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de la Presse, on se borna à faire peser sur les papiers importés un droit supplémentaire calculé sur un coefficient de 1,5 par cent kilos, au lieu du coefficient 3 qu’on voulait tout d’abord appliquer. Mais cette surcharge, même réduite au coefficient de 1,5, n’en porte pas moins à 15 pour 100 le droit total sur le papier pénétrant en France.

Sans vouloir rechercher ce que vaut le reproche adressé aux fabricants de papier d’avoir, pendant toute la durée de la tourmente, haussé les prix plus tôt qu’il n’était nécessaire et vendu plus cher qu’aux taux justifiés, les éditeurs se contentent de démontrer que de telles charges portent un coup désastreux à leur industrie. C’est la suppression totale d’un droit de douane parfaitement abusif qu’ils réclament.

Pourquoi ces avantages successifs à la fabrication du papier obtenus par des hommes sachant se faire entendre des pouvoirs publics, et tournant au détriment du livre français ?

Uniquement pour ne pas condamner à mort, nous dit-on, notre industrie du papier. Nous lui sommes très sympathiques. Nous ne lui voulons que du bien. Et les ouvriers de nos papeteries savent que, comme pour tous les ouvriers de France et en particulier ceux du Livre, nos collaborateurs habituels, nous, les écrivains, pour lesquels les salaires d’avant-guerre ne se sont pas accrus, nous désirons que leur sort s’améliore dans toute la mesure compatible avec le rayonnement de l’esprit français et avec l’existence de la Librairie française qui assure celle d’illusion.

Mais d’abord, il n’est pas sûr, ni mathématiquement nécessaire, que l’industrie française du papier, — conduite comme elle l’est, par des hommes ingénieux et résolus, — périclite parce que, pour ne pas réduire au silence la pensée de notre pays, on aura supprimé les droits de douane sur les papiers du dehors ! Nous sommes convaincus que, le jour où il le faudrait, nos fabricants sauraient s’adapter aux conditions nouvelles de la concurrence. Au surplus, le bon sens n’est-il pas d’accord avec la justice pour que l’on considère comme impossible de voir la condition des 470 000 travailleurs français du Livre subordonnée aux seuls intérêts des 30 000 ouvriers des fabriques de papier t En outre, comment nous résignerions-nous à ce que les créations et le pain de milliers d’écrivains, — qui, eux aussi, ont le