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qu’il leur a souvent parlé, mais seulement « dans les derniers temps de sa vie. » Ils sont en cela d’accord avec Pelletan, puisque, d’après celui-ci, le malade « manifeste de la gaieté : » ce n’est pas seulement dans sa mimique, mais certainement dans ses propos. Grande nouveauté et constatation qu’il importe de noter pour ne point obstruer la voie aux chercheurs de l’avenir, — il y en aura toujours ! — soucieux d’élucider cette suprême énigme de la captivité royale.

L’inconvénient notable que présente le parti pris de ne rien emprunter qu’aux documents authentiques dépouille l’histoire du prisonnier du Temple du mélancolique et douloureux attrait qui l’a faite si populaire. Point d’attendrissement au contact des rares et laconiques pièces d’archives prises pour seuls guides ; points de mots touchants tombés des lèvres blêmes du moribond ; nulle occasion de développements émus sur le contraste déchirant entre la pompe abolie de Versailles et du Trianon d’autrefois et le grabat où agonise, absorbé dans son rêve, le descendant de tant de rois. Rien d’autre que quelques notes administratives, indifférentes et sèches comme l’esprit des bureaux et dont on pressurerait en vain le texte aride dans l’intention d’en tirer de quoi fournir une larme. La Révolution exigeait que ce roi-là ne laissât point de traces dans nos annales et que sa fin ne fût pas pleurée. Aussi est-on réduit, si l’on s’interdit les commentaires, à un froid horaire où les lacunes abondent et qui prête peu à la compassion.

Le 7 juin, Pelletan fait une seconde visite et laisse une nouvelle ordonnance : il ne change rien au régime indiqué la veille ; mais il recommande qu’on procure au malade « du pain blanc de pur froment » et que le bouillon « soit fait avec du bœuf et de la poule. » Manifestement, la vie de l’enfant n’est pas menacée : c’est seulement au cours de la soirée de ce même jour que Gomin et Lasne s’alarment : ils envoient chercher Pelletan, en pleine nuit. Que s’est-il passé ? On ne sait ; mais le médecin, lui, ne croit pas au danger, car il s’abstient de se déranger et répond : « L’état du malade ne peut pas être rendu très inquiétant par les circonstances que vous me détaillez… quoique je sois extrêmement fatigué de mes travaux du jour et qu’il soit onze heures du soir, je me transporterais sur-le-champ auprès de l’enfant, si je savais lui être de la moindre utilité… » Il annonce par le même billet que le chirurgien