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s’affirme cette conviction que l’enfant retenu au Temple n’est pas le fils de Louis XVI ; le gouvernement, ignorant ce qu’est devenu l’enfant royal, attend d’un hasard qu’il se révèle ou qu’on découvre sa retraite, afin de décider de son sort et de prendre à son sujet une décision conforme à l’intérêt du pays.

Car l’Espagne insiste : à chacun des nouveaux pourparlers, elle cède sur tous les points, sauf sur un seul : la remise des deux enfants du Roi. C’est à Bâle maintenant, dans la maison de M. Ochs que, depuis la fin de floréal, se sont transportés les négociateurs : M. d’Yriarte, le plénipotentiaire espagnol, et le citoyen Barthélémy, porte-parole de la République, « ont passé en revue tous les articles des deux projets contradictoires ; » aucun ne leur paraît inconciliable : l’écueil, c’est le prisonnier du Temple. Yriarte fait valoir que la mort de Louis XVI ayant donné le signal des hostilités entre les deux nations, la délivrance de son fils doit être le gage de leur réconciliation. Le Comité de Salut public veut « qu’on évite de s’expliquer » là-dessus ; mais comment Barthélémy pourrait-il écarter comme accessoire la question qui, pour son interlocuteur, est la principale ? Yriarte, d’ailleurs, ne veut rien écouter : « Ce sont des intérêts de famille et des motifs d’honneur qui obligent la Cour de Madrid à réclamer les enfants de Louis XVI ; non seulement l’Espagne, mais la Cour de Sardaigne ne pourront jamais consentir à un arrangement avec la France avant d’avoir obtenu à cet égard une satisfaction fondée sur les sentiments les plus forts de la nature. » Le porte-parole de la République se voit donc vivement pressé : il est vrai que ses instructions l’autorisent à promettre, s’il le faut absolument, la libération du jeune prince pour après la paix générale, et cette préoccupation de « gagner du temps » indique encore que le Comité n’a pas perdu tout espoir de découvrir le lieu où le Dauphin est caché. Encore recommande-t-il à Barthélémy « d’en parler le moins possible ; » et Yriarte ne parle pas d’autre chose ! — « Le désir de voir les prisonniers du Temple libres à Madrid, dit-il, porte plus qu’aucune autre considération à rechercher la paix. C’est de notre part un devoir, une religion, un culte, un fanatisme, si vous le voulez ! Nous placerait-on entre les enfants de Louis XVI et l’offre de quelques départements voisins de notre frontière, nous