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petit captif, s’ils l’autorisent à se promener dans le jardin, s’ils permettent à sa sœur de passer avec lui la journée, s’ils s’efforcent enfin, par tous les moyens, de rétablir sa santé compromise et de lui rendre la prison supportable. Non ! Ils vont « constater » sa présence, ne rédigent aucun rapport, ne protestent qu’à huis clos, — s’ils protestent ! — et se contentent de propager le bruit que la faute de cet épouvantable assassinat incombe à Robespierre, mort depuis huit mois ! Ou bien le prisonnier n’est pas malade, et dans ce cas la confidence faite au baron Hue et à Frotté pour les détourner d’aller au Temple devient extrêmement louche ; ou bien les rumeurs qui courent ne sont pas imaginaires, l’enfant dépérit, il est en danger, — et alors le Comité est coupable, humainement et politiquement, de se désintéresser de son état ; les Comités se révèlent beaucoup plus cruels que « l’odieuse Commune ; » Laurent et Gomin dépassent en barbarie Simon, ce bouc émissaire, puisque, de son temps, du moins, les médecins étaient appelés à la prison dès la moindre indisposition et que le petit Capet, — c’est officiellement constaté, — fut laissé par le cordonnier en parfaite santé. Il importe donc de retourner au Temple pour tenter de savoir ce qui s’y passe.


Il ne s’y passe rien : Laurent, il est vrai, s’en est allé. Après avoir porté absolument seul durant trois mois, et assisté de Gomin durant cinq autres mois, la charge de la surveillance, il juge sa tâche remplie : les jaloux de sa section n’ont cessé de le harceler et de le dénoncer comme « peu sûr ; » est-ce à ces tracasseries qu’il veut échapper, ou bien préfère-t-il être loin le jour où les négociations avec l’Espagne aboutiront à une enquête approfondie et à la pleine lumière sur les événements du Temple ? Peut-être encore tient-il à profiter de l’influence grandissante de Barras qui, en effet, le placera à la police et, plus tard, recommandera « particulièrement » au ministre ce jeune homme « que j’ai employé, écrira-t-il, dans plusieurs missions très importantes qu’il a remplies avec zèle et intelligence. » Laurent quitta la Tour le 31 mars 1795 : il était remplacé auprès de Gomin par Étienne Lasne, peintre en bâtiments de son état et commandant de la force armée de la section des Droits de l’homme : c’était « un assez brave homme, »