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première condition la libération de Louis XVII. Le Comité de Salut public, désireux d’entrer en négociations, avait envoyé à la frontière des Pyrénées le conventionnel Goupilleau et le citoyen Bourgoing, l’ancien chargé d’affaires de France en Espagne, avec recommandation de se tenir prêts à recevoir les plénipotentiaires espagnols, mais « de ne rien entendre sur l’article du fils de Louis XVI. » Bourgoing s’installa à Figuières sous le fallacieux prétexte « d’affaires particulières, » et entra, à titre personnel, en correspondance avec le chevalier Ocariz, ancien ministre d’Espagne à Paris. Celui-ci, dès sa première lettre, posa en principe que la remise du Dauphin était la principale condition d’une entente éventuelle : « La tendre sollicitude de la Cour d’Espagne est en ce moment concentrée sur les enfants de Louis XVI ; le gouvernement français ne saurait témoigner d’une manière plus sensible les égards qu’il aurait pour l’Espagne qu’en confiant à Sa Majesté Catholique ces enfants innocents qui ne servent à rien en France. Sa Majesté recevrait une grande consolation de cette condescendance et, dès lors, elle concourrait, de la meilleure volonté, à un rapprochement avec la France. » Les représentants du peuple étaient des diplomates extrêmement novices : Goupilleau, indigné de la proposition espagnole, ordonne à Bourgoing de rompre immédiatement les pourparlers : en vain celui-ci conseille plus de prudence et de modération, représente qu’il conviendrait au moins d’en référer au Comité de Salut public ; il n’obtient rien de l’obstination du. Conventionnel et doit, à son grand dépit, informer Ocariz que « ses affaires particulières étant terminées, il se retire chez lui, à Nevers et cesse la correspondance. »

Au Comité, on déplora cette maladresse ; Merlin de Douai, qui dirigeait les négociations, s’efforça de la réparer et, après de grands éloges à Bourgoing auquel il accorde toute sa confiance, il l’invita à se rendre à Bayonne, à trouver un prétexte pour renouer la correspondance interrompue, et à témoigner au diplomate espagnol son regret personnel de ce qu’« une proposition intempestive » ait suspendu les pourparlers, tout en laissant entrevoir que « cette proposition, quoique n’étant pas de nature à être adoptée, du moins pour le moment, ne doit cependant pas empêcher l’ouverture des conférences qui seules peuvent ramener la paix entre les deux nations. »