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Un mois plus tard, le 18 septembre, — deuxième jour des sans-culottides, — c’est à la tribune de la Convention qu’on parle du petit Capet. À la suite de la lecture d’une lettre de province annonçant un soulèvement au nom de Louis XVII, Jourdan (de la Nièvre) demande pourquoi il existe encore au cœur de la République « un point de ralliement pour L’aristocratie. » — « Le fœtus capétien » sert aux méchants de prétexte à leurs exécrables exploits ; et Duhem, renchérissant, s’étonne à son tour « qu’un peuple qui a eu le courage d’envoyer son tyran à l’échafaud conserve encore dans son sein un rejeton, héritier présomptif de la Royauté. » Il propose donc que le petit Capet soit « vomi » hors du territoire français et l’Assemblée renvoie la question à ses Comités. Ceci n’était pas sans inquiéter Laurent : si la Convention décrétait le bannissement du petit prince et de sa sœur, qu’arriverait-il le jour où l’on viendrait solennellement au Temple constater, — sérieusement cette fois, » — l’identité du prisonnier avant de le livrer aux Puissances étrangères ? Soit qu’il fût bien conseillé, soit que, de lui-même, il jugeât urgent de mettre sa responsabilité à couvert, dès qu’il eut connaissance de la proposition de Duhem, il écrivit au Comité de Sûreté générale exposant que, depuis son entrée au Temple, il a plusieurs fois réclamé le concours d’un ou de deux collègues et n’a jamais reçu de réponse. « Aujourd’hui qu’on parle de royalistes et que les précautions ne sauraient être portées trop loin, » il renouvelle ses instances. « S’il arrivait en ce moment quelque événement, ajoutait-il, je ne pourrais pas vous en instruire moi-même… » Le Comité ne prêta aucune attention à cette missive, (pourtant presque comminatoire : le prisonnier du Temple est évidemment le plus mince de ses soucis, et tout ici fleure la comédie concertée entre Laurent et le Comité, — ou du moins quelqu’un d’influent au Comité, — car jamais ne se rencontrèrent si crâne désinvolture chez un subalterne et si incomplète insouciance chez des gouvernants responsables.


Malgré l’embarras qu’on éprouve à enchevêtrer tant d’intrigues, l’ordre chronologique des faits commande ici l’introduction de nouveaux acteurs qui vont, comme tant d’autres, entrer en scène, jouer confusément un bout de rôle et disparaître aussi déçus et décontenancés que les précédents personnages de cette action obscure. Une Anglaise, riche et entreprenante,