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larges pour être tentantes : ils acceptent que les frontières soient tracées d’après les positions occupées à l’heure présente par les troupes polonaises, ils reconnaissent l’indépendance de la République de Varsovie. La Pologne se trouve appelée à prendre une résolution difficile : elle consultera les Alliés, chez lesquels elle compte tant de sympathies anciennes et profondes, mais les Alliés ne pourront que lui donner un avis. Elle dépense pour la guerre un milliard par mois ; elle fait de grands sacrifices ; elle prévoit encore bien des temps durs Récemment elle a été surprise et émue de l’essai fait par les Alliés d’entretenir des relations commerciales avec les coopératives russes, et sans s’arrêter au caractère expérimental et provisoire de cette mesure, elle y a vu surtout une possibilité pour les bolchévistes de se renforcer. Enfin elle a été péniblement impressionnée par les nouvelles venues de Londres et selon lesquelles la Grande-Bretagne se déclarait peu disposée à lui donner des secours et à prendre des engagements. Mais la Pologne, par sa position comme par ses traditions, a le sentiment d’être la garde avancée de la civilisation ; elle peut croire à juste titre que sa force est un élément essentiel dans la sécurité de l’Europe et que les Alliés ont grand intérêt à ce qu’elle soit vigoureusement constituée. Ce n’est pas un armistice qui changera la question. La trêve avec les Soviets serait-elle durable ? et le lendemain Ia Pologne ne risquerait-elle pas de se retrouver dans la même situation qu’aujourd’hui ? Elle hésitera d’autant plus que, si elle fait la paix, elle est obligée de traiter avec le gouvernement des Soviets, et c’est une initiative grave qu’elle ne se soucie pas de prendre sans regarder du côté des Alliés. À propos de la Pologne, c’est le problème même des relations avec Moscou tout entier qui se trouve de nouveau posé.

Le gouvernement bolchéviste présente aujourd’hui ce caractère paradoxal d’avoir deux attitudes absolument différentes et contradictoires. Par sa théorie et par ses proclamations, il se prétend révolutionnaire, prolétarien, partisan du bouleversement universel. Par sa pratique, il a eu recours à tous les procédés qu’il a condamnés, il a restauré l’autorité, l’armée, les journées de travail ; il s’est montré plus despotique même que le régime tsariste. Quand il parle, il ne veut traiter qu’avec des régimes de soviets internationalistes installés dans tous les pays ; il ne veut cesser de faire la guerre que lorsqu’il aura opéré une révolution terrestre. Quand il agit, il appelle à lui les fonctionnaires et les officiers de l’ancien régime ; il fait la paix avec le gouvernement esthonien ; il la propose au gouvernement polonais qui n’a rien de bolchéviste ; il reconstitue l’unité de la Russie. Il se