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Dans presque toutes les discussions qui se poursuivent actuellement en Allemagne, on retrouve la même opposition entre ceux qui nient et ceux qui proclament les fautes de l’ancien régime. Au fond du débat si sérieux et si intéressant par ses conséquences possibles qui divise la Chambre prussienne et la Bavière, il y a le même conflit. La Bavière s’est refusée à approuver la motion qui lui venait de Berlin et qui proposait de réaliser immédiatement l’Etat unitaire, et elle exprime des velléités séparatistes. C’est que l’esprit prussien a fait ses preuves par la défaite de toute l’Allemagne : c’est lui qui est cause de l’isolement de l’Allemagne et de son malheur : c’est lui qui a provoqué sa déchéance. Sous des aspects différents, le même problème est considéré par tous les partis allemands. Par un retour du destin, la question des origines et des responsabilités de la guerre est au fond de toutes les discussions sur l’avenir de l’Allemagne.

Les Alliés n’ont pas attendu de savoir quelle voie choisissait l’Allemagne pour choisir la leur. Il n’en est qu’une de possible pour eux : un traité existe, il doit être appliqué. L’affaire de la livraison des coupables est d’ailleurs le signe le plus éclatant des dispositions de l’Allemagne, mais il n’est pas le seul. La manière dont l’Allemagne applique les clauses du traité relatives aux fournitures de charbon est scandaleuse. D’après ses engagements, elle doit livrer aux Alliés 1 660 000 tonnes de charbon par mois, tant que les mines allemandes ne produisent pas plus de 9 millions de tonnes par mois. En décembre, l’Allemagne a livré 600 000 tonnes, alors qu’elle en a extrait plus des 9 millions prévus. En janvier, elle en a livré moins qu’en décembre, trois cent mille en moyenne et elle a offert de la houille à la Hollande et à la Suisse. Il n’est pas besoin d’insister sur le tort très grave que nous cause un pareil abus dans la situation économique où se trouve notre pays. Enfin, pour ajouter un dernier exemple de la bonne volonté germanique, l’Allemagne devait livrer aux Alliés les navires de guerre, et elle les a remis désarmés, c’est-à-dire privés de toute leur artillerie. On est bien en présence d’une série de tentatives calculées pour échapper au traité de Versailles. Les Alliés ne sont pas surpris sans doute de trouver l’Allemagne pareille à elle-même. Mais il leur faut manifester immédiatement, avec une énergie qui ne laisse aucun espoir, leur volonté. Le traité forme un tout et il est un texte authentique qui doit être obéi. Les Allemands ne paraissent pas avoir compris, malgré cinq ans de luttes, ce qu’est pour les nations civilisées un contrat. Les Alliés ont fait la guerre au nom du droit, le monde entier s’est mis en mouvement