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imposée à l’Allemagne et que la révision du traité était nécessaire. Mais en réalité, cette critique générale portait en particulier sur le chapitre de la livraison des coupables. Bien des journaux même laissaient entendre que le reste du traité serait accepté si les Alliés ne réclamaient pas l’exécution de cet article. La Gazette de la Croix allait jusqu’à dire que l’Allemagne ne pouvait pas livrer des hommes dont le seul crime était d’avoir été vainqueurs. D’autres avouaient que l’Assemblée nationale de Weimar avait approuvé le paragraphe malencontreux, mais qu’au moment de remplir ses obligations, l’Allemagne y trouvait quelque chose d’impossible. Aucune solution nette d’ailleurs, mais une campagne pour provoquer un état de l’opinion. L’exemple donné par l’ex-kronprinz Ruprecht de Bavière, qui s’est offert pour être remis aux Alliés, gêne beaucoup le parti national allemand ; les idées d’Erzberger ne l’inquiètent pas moins. Pour faire une pression sur le public, les journaux ont annoncé la démission du Président de l’Empire Ebert, qui, d’après eux, ne voulait pas se prêter à l’exécution de la clause incriminée. La démission de M. de Lersner, que Berlin a d’ailleurs acceptée, n’est qu’une manifestation d’une entreprise beaucoup plus vaste. C’est la tentative suprême de l’Allemagne impérialiste.

La question est de savoir quelle attitude prendra le gouvernement de Berlin. L’article 228 du traité est net : le gouvernement allemand reconnaît aux Puissances alliées et associées la liberté de traduire devant leurs tribunaux militaires les personnes accusées d’avoir commis des actes contraires aux lois et coutumes de la guerre ; les peines prévues par les lois seront appliquées aux personnes reconnues coupables ; le gouvernement allemand devra livrer aux Puissances alliées ou associées toutes personnes qui, étant accusées d’avoir commis un acte contraire aux lois et coutumes de la guerre, lui seraient désignées soit nominativement, soit par le grade, la fonction ou l’emploi auxquels les personnes auraient été affectées par les autorités allemandes. Voilà ce que l’Allemagne a accepté. On peut remarquer que l’exécution d’une clause pareille aurait été plus facile au lendemain de l’armistice ; mais on doit ajouter qu’ayant été insérée dans le traité de paix, elle devient applicable dès la ratification. Le gouvernement de Berlin ne peut faire valoir aucune espèce de raison pour se soustraire aujourd’hui à une obligation qui résulte d’un texte examiné et approuvé par lui. S’il se dérobe, c’est qu’il est entre les mains du parti militaire et des survivants de l’ancien régime. L’Allemagne actuelle n’est-elle que l’ancienne Allemagne