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SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ EN ALLEMAGNE.

de l’histoire, en particulier, est une véritable initiation au chauvinisme et la marque en demeure indélébile.

On s’est étonné de l’attitude des socialistes allemands au début de la guerre. On a voulu mettre au compte des instincts guerriers et conquérants de la race leur collaboration à l’impérialisme de Guillaume II. Elle s’explique bien plutôt, à mon sens, par la déformation méthodique que l’école a fait subir à tout le peuple. Ils avaient beau protester contre l’esprit conservateur et autoritaire de l’enseignement, ils le subissaient comme les autres. Et n’est-il pas caractéristique qu’une des premières mesures du gouvernement révolutionnaire, en octobre 1918, ait été le retrait de tous les manuels d’histoire employés dans l’enseignement primaire, comme inspirant la haine des autres peuples et l’amour de la guerre ?

Cet enseignement a encore un autre défaut. Il ne forme pas le caractère ; il ne dresse qu’à la discipline. J’ai bien souvent admiré, de ma fenêtre, l’ordre et le silence observés par les élèves sortant de l’école, vieux bâtiment pittoresque du commencement du XVIIe siècle. On y lisait encore au-dessus de l’une des portes :


Haec pueros dociles et purae mentis alumnos
Porta capit. Petulans exulet atque piger.


L’esprit du système n’a pas changé. La petulantia, voilà ce que le pédagogue d’aujourd’hui, exactement comme son devancier d’il y a deux siècles, considère encore comme le vice rédhibitoire. Il ne s’avise pas qu’elle n’est à sa manière qu’une manifestation touchante de la vie de l’enfant. Nulle indulgence pour elle. La suprême vertu est l’obéissance. La moindre incartade contre l’autorité du maître doit être dénoncée et la délation entre camarades, qui nous apparaît comme si déshonorante, est ici érigée au rang de devoir. De cette manière on parvient sans doute à imposer le respect de la règle, mais forme-t-on des caractères ? Sans doute, en temps normal, l’Allemand obéit par habitude à ces innombrables défenses dont sa vie est enserrée et qui partout, dans les bureaux officiels, dans les wagons de chemin de for, dans la rue. au théâtre, au restaurant où au café, lui imposent les gestes à faire et, où qu’il aille, lui rappellent la discipline scolaire. Et comme je m’étonnais un jour de cette espèce de défiance que l’administration semble