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conclusion d’une paix séparée avec l’Allemagne ? « Il n’y a, j’en suis convaincu, — a déclaré hautement Sir George Buchanan, — pas un mot de vrai dans cette rumeur. L’Empereur a pu avoir des torts, il n’a pas été un traître. Il n’aurait jamais trahi la cause des Alliés et fut toujours le fidèle et loyal ami de l’Angleterre. »

Le gouvernement français s’est associé à cette déclaration en publiant à la même époque une lettre adressée par l’empereur Nicolas le 13 mai 1916 au Président de la République française, et qui démontre clairement qu’en dépit de tous les efforts déployés pour l’amener à pactiser avec l’Allemagne, il ne consentit jamais à abandonner ses alliés.

On a raconté que, peu de temps avant son assassinat, un général allemand était venu trouver Nicolas II dans sa captivité de la part de l’empereur Guillaume, pour lui proposer d’obtenir sa liberté à la condition qu’il prendrait ouvertement le parti de l’Allemagne. Nicolas aurait refusé de le recevoir, signant ainsi son arrêt de mort et celui des siens. Il est impossible de prouver actuellement l’authenticité de ce récit ; mais pour tous ceux qui connaissaient bien Nicolas II, il n’y a pas l’ombre d’un doute qu’aucune autre réponse n’aurait pu être faite par lui à une pareille proposition.

On a voulu voir une preuve du manque de droiture de l’empereur Nicolas dans la façon dont il lui est arrivé de congédier l’un ou l’autre de ses ministres ou dans le fait qu’après avoir eu l’air d’approuver l’avis d’un de ses conseillers, il suivait quelquefois une ligne de conduite contraire à cet avis. On a cité le cas où un ministre d’Etat était sorti de son cabinet de travail convaincu de posséder toute la confiance du souverain, pour apprendre, à peine rentré chez lui, qu’il était démissionnaire. Le fait est exact, et j’ai moi-même éprouvé la facilité avec laquelle Nicolas II se laissait détourner, par certaines influences, de résolutions prises avec toutes les apparences de la fermeté. Mais tout ceci ne prouve qu’une chose ; la peur instinctive, commune à beaucoup d’hommes très bons et très faibles, — et qu’il ressentait me semble-t-il à l’excès, — de froisser ceux qui l’approchaient. Décidé à se séparer d’un ministre, il n’osait pas le lui dire en face, redoublait au contraire, à son égard, d’attentions personnelles, et finissait par avoir recours à une communication par écrit. Si l’on a pu dire de lui avec quelque