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LOYAUTÉ DE NICOLAS II

Au moment où, comme ministre des Affaires étrangères, j’entrai en contact avec l’empereur Nicolas, celui-ci n’accusait pas encore les tendances excessives à l’exaltation mystique et aux idées ultra-réactionnaires qui caractérisèrent la fin de son règne : les malheurs de la guerre russo-japonaise et les secousses révolutionnaires qui la suivirent, l’avaient visiblement mûri et assagi. A l’époque dont je parle, Nicolas II, après avoir eu l’heureuse inspiration de remplacer M. Goremykine par M. Stolypine à la tête du gouvernement, se montrait en somme suffisamment docile aux conseils de son premier ministre : il en avait donné une preuve à propos de l’épisode, relaté plus haut, de la tentative du général Trepoff. Il avait, me semble-t-il, d’autant plus de mérite à rester fidèle aux nouvelles institutions, que son éducation et son penchant naturel le portaient du côté de la réaction. Je puis dire que, tant que dura l’influence de M. Stolypine, — et, on me permettra d’y ajouter, sans fausse modestie, la mienne, — Nicolas II ne se refusa jamais à écouter un appel fait à sa raison et à son sentiment de loyauté.

Ceci m’amène à examiner une autre accusation, — la plus grave de toutes, — formulée contre l’empereur Nicolas II : celle d’avoir manqué de loyauté et de droiture.

Je crois avoir déjà, dans mon précédent article, fait justice de certaines interprétations qu’on a essayé de donner à l’attitude de Nicolas II dans l’affaire du traité secret de Bjorkoë et avoir démontré que, si, dans l’occurrence, il y eut de sa part faiblesse de volonté et imprudence, rien ne fut plus éloigné de sa pensée qu’une trahison envers son alliée ; il me semble même que la façon dont il resta, jusqu’au dernier jour de son règne, fidèle à la France et aux Alliés, est la preuve la plus éclatante par laquelle il manifesta clairement son esprit de loyauté.

L’ancien ambassadeur d’Angleterre en Russie, sir George Buchanan, après être rentré en Angleterre, n’a-t-il pas rendu un éclatant hommage à l’attitude de Nicolas II en déclarant publiquement qu’il tenait à démentir la rumeur d’après laquelle l’ancien empereur de Russie avait été favorable à la